"Une souris verte" Technique mixte sur carton, 120x80cm
Une
image se réduit souvent à une illustration, c'est à dire, pour en
revenir au sens premier du mot, à la seule « mise en lumière »
d'un récit. Or ce qui est ainsi donné à voir, ce qui est éclairé
parfois jusqu'à l'aveuglement, n'est que la strate visible d'un
palimpseste quand le texte ou l'image résulte plutôt d'un ensemble
de sédiments de sens qui s’additionnent, se contredisent ou
inaugurent une forme d'interprétation en porte à faux avec ce
qu'elle prétend révéler. Les mythes, les contes et les récits
fondateurs abondent en lapsus, glissements métaphoriques et jeux de
miroir à travers lesquels plusieurs réalités se superposent et se
nient et, au-delà d'une surface lisse et rassurante, la violence
originelle ne cesse de bouillonner dans les entrailles de la
représentation.
Corinne de Battista explore le récit sur lequel
une image se construit et elle s'attache à désarticuler celle-ci en
fonction de ce quelle proclame et de ce qu'elle dissimule. Cette
dualité, elle est particulièrement présente dans les comptines et
rondes d'enfants et l'artiste en déconstruit l'image, autant en
archéologue, qu’en archiviste et en sémiologue, afin d'en
extraire le fond sulfureux. Sous le cratère éteint et d'une
apparence trompeuse, une lave en fusion travaille cette humanité
qui se donne en images et en mots, parfois pour se mentir à
elle-même mais toujours pour en travestir l'horreur originelle.
Diplômée
de l’École des Beaux-arts d'Aix-en-Provence en 1995, Corinne
de Battista draine ces remugles de mémoire, ces dépôts
fanés d'images d’Épinal où se logent aussi bien des
hallucinations collectives sous le couvert de représentations
intimistes que de la candeur simulée là ou ne règnent que douleur
et perversion. La peinture permet d'arracher au temps et à l'enfance
des vérités enfouies. Derrière la simplicité des formes, la
modestie de la couleur, le flou de l'imaginaire traverse l'image
empruntée parfois à des photographies anciennes. Le cadre est
pesant. On y devine un environnent vénéneux, peuplé de fantômes
familiaux quand l'intime se noue au collectif et que l'artiste
exhume, par exemple, l'horreur derrière une « Souris verte ».
Cette amusante comptine relate pourtant l'histoire d'une « souris »,
comme on appelait alors les insurgés vendéens pendant la
Révolution. Elle sera torturée et plongée dans de l'eau et de
l'huile bouillante. L'artiste propose alors de recomposer ces images
pour toute une série de récits obsédants liés à l'enfance mais
sur un fond de terreur, de prostitution, de torture, de cannibalisme
et d'angoisse sexuelle.
Ceci se dessine et s'écrit dans une remontée dans le temps où l'on croisera des allusions à Brueghel l'Ancien et à l'imagerie médiévale. Le paradis de l'enfance est recouvert d'un manteau sombre que Corinne de Battista arrache pour s'enfoncer dans les méandres d'un rituel initiatique. L'artiste laisse l'image s'infuser de toutes les contradictions des enfants et des adultes. Dans une ronde, on s'exclut et on s'intègre tour à tour. L'enfant, comme l'artiste, parlent déjà toute la violence et toute la beauté du monde.
Ceci se dessine et s'écrit dans une remontée dans le temps où l'on croisera des allusions à Brueghel l'Ancien et à l'imagerie médiévale. Le paradis de l'enfance est recouvert d'un manteau sombre que Corinne de Battista arrache pour s'enfoncer dans les méandres d'un rituel initiatique. L'artiste laisse l'image s'infuser de toutes les contradictions des enfants et des adultes. Dans une ronde, on s'exclut et on s'intègre tour à tour. L'enfant, comme l'artiste, parlent déjà toute la violence et toute la beauté du monde.
Artothèque. Pôle culturel Chabran. Draguignan
Jusqu'au 22 février 2020