«Métamorphoses architecturales et Chambre des Sphères»
Palais Lascaris, Nice
Jusqu’au 21 mars 2022
Tout se joue entre l’immédiateté du regard et le temps long de la pensée quand ses ramifications se greffent aussi bien sur ce que l’on a déjà vu que dans les visions mentales de ce qui adviendra. La pertinence d’une œuvre relève non pas du seul choc visuel mais plutôt de son articulation avec les points de vue annexes qui la nourrissent.
Aussi le regard que nous portons sur les œuvres de Caroline Challan Belval est-il chargé du lieu dans lequel elles s’inscrivent mais surtout par le lien que ce lieu entretient avec son histoire. C’est donc dans le cadre baroque du Palais Lascaris avec son mobilier et ses tapisseries d’Aubusson que l’artiste interprète des toiles d’inspiration brutaliste, avec ses angles et ses droites, à l’aune des courbes, des dorures et de l’exubérance chromatique d’une pièce d’apparat. Les traces du passé saisies dans les agencements d’une architecture s’imprègnent alors d’un sens nouveau: celui que le regard recompose en se soustrayant à sa fixité pour esquisser l’idée de la permanence d’un dialogue entre l’œuvre et son environnement.
De par la variété des supports, des toiles mais aussi des études, des dessins ou des sphères, le vieux palais niçois du XVIIIe sort de sa torpeur. On songe que l’artiste l’aurait voulu comme un échafaudage mental pour une réécriture permettant au visiteur une lecture inédite du lieu. Un subtil jeu de pistes se déroule alors entre les objets anciens dans un cabinet de curiosité, des œuvres en réalité augmentée et d’autres, en vidéo ou en globes célestes.
L’immatériel, le sensible et le poids du temps se conjuguent pour une série de métamorphoses qui naissent de la volonté de Caroline Challan Belval d’imposer l’empreinte du souffle humain à l’intérieur d’une œuvre. Ce sont alors des colonnes de souffle comme des radiographies numériques de fumerolles pour une liaison de la matérialité et de l’univers céleste. La notion d’espace se décompose d’autant plus que l’artiste ne se contente pas de perturber les organes de la perception mais aussi parce que cet espace se distend par l’interaction de la modélisation en 3D, de la relation avec les chantiers en pleine mer à Monaco ou l’apparition d’œuvres à partir d’une application sur nos smartphones. Métamorphose de l’espace et du temps, l’exposition des travaux de Caroline Challan Belval nous entraîne dans une épopée mystérieuse tour à tour entre ses anticipations, le rappel d’une matérialité brute et son immersion dans le poétique.