- Parcours Vidéo OVNI en ville du 16 au 25 novembre.
-OVNI à l'hôtel, 24 et 25 novembre
-Arrêt sur l'image par "le Hublot" à l'Entrepont (le 109)
-Total Contest TV le samedi 17 novembre de 19h à 23h à la Station
-Concrete Island, de Maxime Martins de 19 à 23h à la Station
-Grands canons d'Alain Biet de 19 h à 23 h à la Station
- Salon d'art vidéo et d'art contemporain CAMERA CAMERA à l'HÔTEL WINDSOR les 24 et 25 novembre
VIDEO ERGO SUM
Parfois, la nuit, de
l'échancrure d'une fenêtre, l'on perçoit des lueurs vacillantes
et bleutées qui tissent, dans la pénombre d'une pièce, un rythme
syncopé, insignifiant, quand tout semble se résumer dans
l'électrisation d'un espace. On sait pourtant que là, quelque chose
se joue, qu'un récit se trame entre l' écran invisible et sa
rencontre avec celui qui s'y confronte. Et cet autre qui, par
effraction, perçoit la scène assourdie dans ce clair obscur qui le
précipite de l'extérieur vers l'intimité d'un l'intérieur,
celui-là vit l'expérience de l'imaginaire.
Telle serait
peut-être la métaphore de la vidéo ou, du moins, l'une de ses
figurations possibles. En retrait de toute définition et même,
agissant contre elle parce qu'elle est mouvement et durée informe.
Et l'on devine dans son processus quelque chose de brouillé,
d'hybride, hors de toute linéarité et, que l'on y introduise du
récit, on n'en espèrera alors ni début ni fin. Au moins ne
subsistera-t-il que ce filament lumineux comme seul fil d'Ariane
pour quelque chose qui s'écrirait, aléatoire, dans un espace
invisible : un bloc énergétique.
Bien sûr, on se dit
que « ce n'est que » de la télévision. Mais, à la
réflexion, on sait que ce pourrait être aussi bien un écran
d'ordinateur, un jeu vidéo ou autre chose encore. Une sorte d'Ovni.
Quelque chose d'autre, dont l'identité m'est étrangère, dont je ne
perçois pas l'image mais une pluie de déchets lumineux par
lesquels je saisis pourtant l'altérité d’une essence à sa
source. Alors il me revient de combler ce champ nocturne, vaguement
étoilé par tous ces éléments épars faits d'attentes et de rêves
par ce qui deviendrait un récit ; de le faire osciller de
l'écran au spectateur, et à l'inverse, de me demander qui, de l'un
ou de l'autre, en est l'acteur.
La vidéo force le
spectateur. Et le contorsionne dans son attitude de soumission au
regard et à l'image. Elle n'est jamais hypnotique. Même s'il
éprouve de l'ennui ou qu’il se trouve exclu du récit qu'il
espérait, le spectateur expérimente un autre temps, une autre
déformation du réel. Et la vidéo est tellement multiple qu'elle le
saisira là où il ne l'attend pas. Parfois informative, militante,
répétitive. Parfois décalée, drôle, éruptive ou bien
lancinante, interminable à moins qu'elle ne soit syncopée, folle,
explosive. Avec elle, tout est possible; elle peut jaillir hors de
l'écran, se mesurer à des objets réels comme elle peut aussi bien
se dissoudre dans le blanc d'un signal éteint. Expressive ou
minimale, elle est ce qui n'a pas de nom parce qu'elle demeure cette
entorse au temps, à l'identité de l'art qu'elle semble parfois
lorgner avec suffisance dans son rétroviseur. Elle est une fuite
technologique, si peu humaine qu'elle nous saisit au col pour nous
rappeler à quoi nous serions réduits pour elle : des
fantômes tâtonnant dans le réel.
Mais c'est là
encore une illusion. Nous n'étions ici que les ombres d'un monde que
nous refusions de voir et que les flux numériques ou filmiques
découpent d'une lumière crue, sans concession aucune, pour nous
rappeler les pulsations vitales, l'énergie concentrée dans cette
machine que nous avions enfantée. Traitement laser pour extirper
l'ancienne beauté du monde à moins qu'il ne se réduise à
l'autopsie d'une vieille fée électrique, épuisée : La vidéo
est toujours devant; fuyante, elle échappe aux mots et aux formes.
Elle s'émancipe ainsi de l'art dont elle se nourrit mais elle
s'empare de lui et le regénère. Elle circule à la vitesse de la
technologie, rêve à la vitesse de la lumière et se refuse à
mourir à la manière d'une étoile. Trop vivante pour s'en soucier,
elle vibre de cette énergie qui la maintient hors de toute
téléologie, au-delà de toute forme , quand son contenu exhale la
transformation, le mouvement, quitte à être plate, baroque, fausse,
laide ou belle. Qu'importe, elle est un flux pour des vagues de
lumière emportées dans des paquets de nuit.
On allume l'écran.
L'image apparaît. Des parasites. Ou bien est-ce l'image qui
désormais se désigne comme parasite ? La vidéo raconte cette
histoire sans récit.. On sait qu'elle sera semblable à toute vie
dont on est condamné à ignorer le commencement et la fin. On sait
qu'elle est vitesse, lenteur, accélération. Que des fragments de
mémoire l'habitent. La vidéo est un étrange organe dévitalisé
qui, pourtant, fouille les corps, enregistre les pulsations,
sonderait les âmes si elle le pouvait et, au bout du compte, se
glorifie d'être ce qu'elle est : du mouvement à l’état pur
sculpté par la lumière.
Michel
Gathier