dimanche 28 novembre 2021

"Tremblements", Acquisitions récentes.

 


NMNM/Villa Paloma, Monaco

Jusqu'au 15 mai 2022

                                           Tapisserie de Laure Prouvost


Le monde contemporain s'est émancipé de la tutelle d'un récit dominant pour se confier à de multiples micro histoires, parallèles ou contradictoires, comme autant de flux et d'images qui révèlent la tension du sujet face au collectif. Une sismographie des mouvements en jeu entre le conservatisme et l'exploration de nouveaux modes de vie ou d'utopies sociales se construit à l'intérieur des œuvres. Parce que l'art contemporain se définit par la multiplicité des approches formelles pour les révéler, mais aussi parce qu'il prend appui sur les mutations de nos société en liaison avec les sciences humaines et les nouvelles technologies, les œuvres présentées se revendiquent d'une «poétique de la relation».

Ce nouveau regard qui préside au choix des œuvres répond au concept de «mondialité» et au vœu de créolisation pour préserver la diversité tel que le prônait Édouard Glissant : «La pensée qui s'organise en système(...)est une pensée contre laquelle nous pouvons élever cette pensée du tremblement». Ce mot, fil conducteur de l'exposition, traduit le mouvement instinctif antérieur à toute réalisation. Refusant toute pensée figée, le tremblement est aussi le geste de l'imaginaire et des transformations qu'il implique. Les dix-sept artistes présentés à la Villa Paloma, par leur diversité culturelle, sont en prise directe avec les mutations qui écrivent le monde.

Acquises dans les dix dernières années, les œuvres revendiquent un engagement qui fracture les idées reçues et tout effet de hiérarchie. Elles manifestent le rôle prépondérant de l'image dans la création de nouveaux récits. Parce que la vidéo est cet ensemble d'images et de voix saisies dans le rythme du mouvement, elle apparaît dans nombre des œuvres exposées. Sylvie Blocher dans sa série des «Speeches» met en scène le discours politique comme transformation du réel tandis que Yinka Shonibare interprète les figures d'un «Lac des cygnes» créolisé. Au delà de leur aspect revendicatif, les œuvres mettent en cause notre manière de percevoir le monde, de saisir le poids des différences et les points de rupture qu'elles suscitent. Ici l'art est un langage. Il exprime une réalité blessée mais définit aussi les contours d'une utopie. Il est saisi à vif comme au cœur de l'actualité, il nous parle et nous interpelle. L'art contemporain se définit alors dans notre relation au monde.

jeudi 25 novembre 2021

Rita Ackermann, "Mama'21"

 


Hauser & Wirth, Monaco

Jusqu’au 23 décembre 2021




Le récit effacé.


Dans cette série des « Mama » amorcée en 2019, l’artiste hongro-américaine développe un hommage à sa mère avec une peinture traversée par les réminiscences de l’expressionnisme abstrait et de la culture urbaine. De grand format, les 9 toiles présentées diffusent des effets d’apparition et de disparition qui impliquent des processus de superposition des regards. Dans l’épaisseur d’une matière abstraite, la figure émerge à travers la ligne du dessin. L’espace de la toile devient ce point d’incandescence où se joue la gestation d’un monde. De l’ébauche d’un récit jusqu’au geste de son effacement, Rita Ackermann fouille le ventre de la peinture et explore le feu qui la travaille.

La toile est cette matrice réduite à des viscères et des jets colorés à l’aube d’une lumière aveuglante ou d’une nuit lumineuse comme pour l’instant de la révélation d’ un récit primitif. En filigrane aux empâtements qui structurent le tableau, des fragments de mémoire tissent leurs fils dans un enchevêtrement de matières et de transparence. Le contour d’un corps se confond à un graffiti, la violence du geste inaugure la trame d’un mot et une histoire énigmatique émerge à l’instant même où elle se dissout dans les multiples strates de l’huile et du dessin.

Rita Ackermann exhume les traces, les cris et les silences et dessine les nerfs qui tendent l’origine de la peinture. Elle décrit les pulsations des corps et le sang qui les irrigue. Mais aussi la trouée du ciel où ils se logent, là où un récit impose, par le jeu d’une encre fine ou d’une incision dans la matière, des indices de narration aussitôt absorbés par la violence d’un orage chromatique. Voici une peinture qui se déchiffre lentement, qui hurle et murmure tout à la fois, et qui nous accompagne pour nous dévoiler les contours des mystères de la création.


mardi 23 novembre 2021

ORLAN, "Les femmes qui pleurent sont en colère"

 


Galerie Eva Vautier, Nice

Jusqu’au 15 janvier 2022




Les raisons de la colère



Corps à corps entre l’œuvre et celle de l’artiste qui la produit, les dernières photographies d’ORLAN se confrontent aussi à la peinture de Picasso et au visage de Dora Maar. Ce face à face violent se matérialise dans un cri. «Ceci est mon corps!», pourrait lancer ORLAN comme pour un blasphème face à l’ogre et à ce dévoreur de femmes que fut Picasso. L’artiste déchire ainsi des figures déjà décomposées pour y introduire des marques de son propre visage et sur la douleur des pleurs, elle appose le sceau de la colère. Celle-ci s'explose sans fard: outrance des organes et de la couleur criarde, décomposition des supports de l’art quand, à la réalité d’un corps, se superposent photographie et peinture.

Toutes les techniques se confondent alors et sur la surface lisse et froide de la photographie, ORLAN recompose le souvenir du corps comme une plaie à vif. Corps blessé, mutilé, fractionné dont le visage serait une excroissance nourrie de la sève du sanglot. En parallèle à l’exposition, le festival vidéo OVNi présente «La liberté en écorchée», une danse nocturne de corps dépecés, mis à nu dans leur nudité même.

La violence s’inscrit au creux du tissu humain mais ici, par effet de miroir, le visage de la colère s’incarne dans les grands formats photographiques hybridées d’ORLAN. Les lèvres sont des chairs gonflées, les globes oculaires se hérissent face aux larmes et le visage réduit à cette accumulation de signes reflète celui de celle qui s’empare de cette violence comme une arme pour défendre la femme. Oreilles, cheveux, dents, le corps féminin se réduit à un assemblage où se joueraient les seuls codes de la séduction et de la répulsion. Réduite à son corps, l’artiste femme l’utilise comme la chair même de son art. ORLAN incarne, au sens fort, un féminisme politique. L’étymologie recèle souvent le sens caché d’un mot: Si «monstre» et «montrer» relèvent d’une même origine, il y avait l’idée d’un avertissement des dieux et d’un prodige. Les «monstres» d’ORLAN désignent l’apparition de ces corps en lutte, hérissés dans la seule beauté de la colère. «Je suis ce corps, nous dit ORLAN, je suis le corps de la femme.»



samedi 20 novembre 2021

Isa Melsheimer, "Compost"

 Galerie Contemporaine MAMAC, Nice

Jusqu'au 12 février 2022 



Quand les animaux se construisent leurs nids ou leurs tanières, l'espèce humaine se pense une architecture. C'est par celle-ci, dans son contexte «moderniste» du début du XXe siècle que l'artiste berlinoise Isa Melsheimer, par une œuvre hybride, élabore les métamorphoses de l'espace et du temps. A travers l'image fixe d'un stéréotype, celui de la Côte d Azur saisie dans le regard du touriste, l'artiste décline les mutations par lesquelles le réel se heurte aux clichés qui le définissent. Le monde n'est que transformation et sa représentation engage la relation de l'homme et de la nature Mais surtout celle-ci nous modifie jusqu'à relier les traces de la présence de ses origines larvaires avec l'univers onirique des «Aliens» et de la science- fiction.

Par un rêve éveillé ou une méditation sur les cycles de la vie, Isa Melsheimer se saisit de toutes les techniques pour construire le récit d'un monde parallèle issu de l'écosystème, de l'imaginaire et du langage de l'art. Des gouaches illustrent alors des rideaux dont la fluidité se heurtent aux murs. Des architectures novatrices, celles de Anti Lovag ou de Guy Rottier, se transforment en constructions de céramique avec des excroissances végétales, des formes de chrysalide ou des rappels de stéréotypes – salade niçoise et autres symboles de la Riviera. La broderie intervient dans la précision d'un temps long pour réparer ce qui est déchiré.

L'art est aussi un environnement inclus dans la circulation du vivant. Isa Melsheimer créée des caissons à l'image des caisses de Ward qui servaient à ramener en Europe des plantes exotiques. Dans un système clos de verre, de lumière, d'humidité et de terre, une nature artificielle se génère et poursuit son aventure autonome. Celle-ci se développe ailleurs, quand les renards par exemple s'emparent peu à peu des villes. Tour à tour prédateurs ou menacés, les hommes aussi, comme chaque espèce animale sont saisis dans les vastes mouvements de la Terre. D'ailleurs, dans ce «Compost», régénérescence et pourriture vont de pair. Tout n'est que circulation. Des paysages se composent et des ruines renaissent. Ce qui était abandonné reprend vie. Alors qu'en est-il de l'humanité? Dans cette exposition, elle n'apparaît qu'en termes d'ombres derrière un voile de gouache ou dans la trace de l'architecture. Mais qui fait partie encore du décor, l'être humain ou bien les majestueux palmiers menacés par les charançons rouges? Et ce décor, à l'image des paysages ou des édifices que les hommes construisent, est aussi ce stéréotype d'un art qui serait séparé de la vie.



jeudi 11 novembre 2021

Noël Dolla, "Visite d'atelier/Sniper, 2018-1021

 


Musée Matisse, Nice

Jusqu'en mars 2022



Ce n'est pas faire injure à Noël Dolla que de percevoir son œuvre à travers le prisme de l'histoire de la peinture et plus précisément, pour ces derniers travaux, dans le souvenir des immenses toiles de Barbett Newman. Il y a bien sûr le rappel de ce « zip », de cette ligne qui ouvrait l'espace et dont l'importance, pour l'artiste américain, se substituait aux champs colorés qu'elle définissait. Pour l'un comme pour l'autre, il s’agissait d'un engagement social, d'une volonté de créer un espace à taille humaine pour y insérer celui qui regarde, pour contrer le regard académique et imposer l'abstraction afin d'inscrire le geste d'une pensée. Le noir et le blanc des « Stations of the Cross » en 1952 marqua l'aboutissement d'un travail sur les effets optiques, le refus du pinceau et la relation du corps à un environnement pictural. Mais ces toiles concentrèrent sans pathos l'idée d'une histoire de la douleur et, de façon plus aiguë encore, Noël Dolla inscrit, à travers cette série, la peinture dans la chair d'une histoire meurtrie par les horreurs de la guerre et de ses causes.

Quand le zip-éclair de Newman libérait l'espace, la ligne définie par Dolla imposerait davantage le signifiant d'une déchirure. Elle s'étend, parfois sur plusieurs mètres, comme une ligne de barbelés dans un champ d'une blancheur livide. Ce déroulement de la toile c'est la page vide de l'Histoire, cette écriture qui ne s'inscrira nulle part aussi longtemps que la barbarie et l'injustice imposeront leur loi. Inutile donc de les représenter quand l'abstraction suffit à leur donner corps. Noël Dolla dépose alors les traces des tirs de ces snipers qui laissent sur leur sillage ces traînées de sang, ces éclats de feu et les taches sombres de la mort. La souffrance des corps n'apparaît pas ici, comme absorbée déjà dans le linceul de la toile. De même que cette peinture est en elle-même une expérience du corps quand Dolla, pour réaliser ces « Fleurs du Mal », a dû construire un dispositif d'une dizaine de mètres pour se déplacer horizontalement le long de la toile pour y souffler de la couleur mais aussi ramper, retrouver le temps du tir et de l'impact, enfin découvrir le résultat de « l'exécution ».

L'écho des pulsations s'inscrit alors sur l'écran de la peinture. Derniers râles ou plaintes chargées d'espoir, tout s'écrit ici dans l'espace vierge de la toile. Celle-ci se distribue dans la continuité des murs blancs et des cimaises du Musée Matisse. Espace tautologique du tableau qui est aussi une scène qui est aussi le lieu même dans lequel celui-ci se trouve. Et Matisse y est présent. Ses découpes de lumière. Ses espaces recomposés. Noël Dolla peint ainsi le Musée et l’œuvre du peintre dont il dira : « Ma première rencontre avec la peinture, en vrai, c'est Matisse. »

vendredi 5 novembre 2021

Robert Combas chante Sète et Georges Brassens

 


Musée Paul Valéry, Sète

Jusqu'au 31 décembre 2021


La mauvaise réputation


Si une ville souvent ressemble à ses habitants, Sète, par sa géographie, figure le grand large de la Méditerranée et l'enracinement sur une terre âpre s'élevant jusqu'aux flancs du Mont Saint- Clair. Ville populaire, elle est avant tout ce port, ce lieu d'où l'on part et où l'on revient, lieu de contradiction dans l'éclat violent du ciel et de la mer, par sa masse austère et terreuse, au rythme des ruptures entre l'ombre et la lumière. Sète est bien la ville des poètes, Paul Valéry et Georges Brassens, mais aussi celle des peintres, Hervé et Richard Di Rosa qui y naquirent, Robert Combas qui y passa son enfance et Pierre Soulages qui s'y installa il y a soixante ans. Sète, ville du peuple, c'est l'ancrage dans le quotidien, le labeur des artistes et des pêcheurs, l'inverse des artifices de Saint-Tropez. Le cimetière marin la domine et le Musée Paul Valéry qui le jouxte se livre aujourd'hui à l’exubérance colorée de Combas qui chante Brassens.

A l'oxymore d'une ville répond celui des artistes. Rebelles mais bienveillantes, libertaires, sombres ou joyeuses, les chansons de Brassens s'incarnent aujourd'hui dans les peintures de Robert Combas. Violence et douceur s'entremêlent dans une même sérénité naïve pour traduire les heures des humbles et la grandeur des rites qui sont les leurs. Autant de scènes que Combas restitue avec vigueur dans la déchirure de la tendresse. Peintre de la « Figuration libre » avec Boisrond et Blanchard, il réhabilite le vulgaire, le populaire et le cru pour dire que l'art est cette transgression de toutes les normes, à commencer par celles de la beauté. L’œuvre vibre de toutes les fibres du vivant, elle tisse ses cernes sombres et ses traits défaits pour faire jaillir le feu des couleurs crues pour dire le monde mis à nu, restitué dans sa vigueur primitive. Pour son centenaire, Brassens reprend alors vie sur un rythme rock n' roll avec des toiles que Combas peignit en 1992 et Sète, par des peintures plus récentes, se désarticule en images inédites pour clamer la vérité d'une ville. Quarante toiles pour chanter la liberté.

mercredi 3 novembre 2021

"Psychédélices, Expériences visionnaires en France"

 



MAIAM -Musée International des Arts Modestes, Sète

Jusqu’au 9 janvier 2022


C’était le temps du pop, de l’op, des mandalas et de la Beat Generation, des herbes magiques et des champignons roses. Et celui des flashs hallucinés qui traversèrent une histoire de l’art qui ne daigna pas s’y arrêter. Il fallait donc retracer l’histoire de ces artistes qui ne se rattachaient à rien d’autre qu’à leur propre expérience, qu’à ces moments de vie accrochés aux cordes d’une guitare sèche pour de nerveuses extases hédonistes et de vertigineuses envolées mystiques. Le terme « psychédélique » apparut avec Aldous Huxley à la fin des années 50 en désignant « un révélateur de l’âme » et, artistes et écrivains, célèbres ou inconnus, témoignèrent alors de l’usage des psychotropes et de leurs expériences sensorielles et mentales. Héritiers des surréalistes, utopistes, explorateurs de la psyché, aventuriers dans l’âme, leurs traces n’ont souvent rien imprimé d’autre que l’incandescence d’un moment.

Le MIAM de Sète, créé en 2000 par Hervé Di Rosa et Bernard Belluc, redonne vie à ces « arts modestes » et à ceux qui, aux confins du graphisme et de l’illustration, s’abandonnèrent au vertige de la spiritualité ou de l’érotisme, dans le foisonnement des formes, des courbes et de la saturation des couleurs acidulées. On y retrouve l’écriture psychique d’Henri Michaux et les expérimentations de Bryon Gysin et de Burroughs, la liberté de Di Rosa et de Combas, le début de l’art cinétique avec Julio Le Parc, l’engagement avec Henri Cueco... Une aventure sur à peine deux décennies où les recherches des plasticiens furent souvent ignorées, étouffées par la frénésie d’une musique rock n’roll ou planante… De ce kaléidoscope de près d’une quarantaine d’artistes, on retiendra l’extrême variété de la création avec des personnalités fortes telles que Joseph Sima, Jacques Noël ou Kiki Picasso. Et peut-être surtout, Robert Malaval. Lui qui reste le grand oublié d’une « École de Nice » qu’il méprisa. Lui l’artiste des paillettes et de la poussière d’étoiles au son des Rolling Stones dans un univers nébuleux et tragique. L’exposition consacrée à ce moment de l’ underground français est ce trip halluciné qui nous conduit dans toute l’intensité d’un art populaire qui, pour cela peut-être, reste trop oublié. Elle est une ode pour cette épopée libertaire. Plus que jamais, en ces temps sombres où l’angoisse sanitaire, écologique et sexuelle suinte de partout, il est temps de redécouvrir ces Psychédélices!



Laurent Le Deunff, "My Prehistoric Past"

 



MRAC Occitanie, Sérignan

Jusqu’au 20 mars 2022



Être libre c’est ne pas être de son temps, de n’appartenir à aucun espace autre que celui qui se façonne dans les méandres de l’art. Laurent Le Deunff en parcourt les lignes de fuite, explore les circonvolutions du réel et de l’imaginaire quand l’espace se fissure et que le temps se dérobe à toute linéarité. «My Prehistoric Past» - décalage de la langue et dérision autobiographique - est ce récit tendu sur un fond primitif de figures polymorphes, dans un bestiaire réduit à un silence totémique et dans une nature caverneuse à souhait.

Le monde est nu dans la seule exhibition de son étrangeté. Rocailles, traces, fragments, tout n’est que l’écho d’un souffle que l’artiste manipule, sculpte, dessine, toujours dans les facéties du pas de travers et de l’enfance de l’art. Laurent Le Deunff brouille les pistes ; il emprunte les ressources de l’art populaire et de ses mythologies pour laisser en jachère les paysages qu’il compose dans la seule béance de leur incertitude. Vers ou coquillages, tirages pigmentaires de champignons aquatiques, colliers de dents en papier mâché, albâtre, sapin tilleul et chêne… Toute une archéologie de la nature s’éveille dans l’éclosion du faux, de l’illusion et de l’illusoire.

Tout n’est que décor, anachronisme, artefact. Il n’y a pas pas de création ex nihilo, ni dans la vie ni dans l’art. Le vrai et le faux renvoient alors des perceptions hasardeuses, des lambeaux de récits qui s’accrochent et se déchirent dans une mise en scène particulièrement soignée. L’inventivité des matériaux, l’hétérogénéité de l’espace dans la fusion du minéral, du végétal et de l’animal tout renvoie à une monumentalité organique, inquiétante. Mais par des jeux contraires, comme par sa série de petits dessins très précis à la mine de plomb avec toujours un chat qui revient au centre d’une narration burlesque, Laurent Le Deunff parvient toujours à redresser l’art fragile du déséquilibre. A la fois lieu d’investigation et scène primitive, l’installation de l’œuvre est en elle-même un clin d’œil au regard trop cadré qu’on accorde au monde, à la nature et à soi-même. Tout n’est que mouvement, déformation, recomposition, et toujours l'espace et le temps réunis dans les mêmes contractions du réel et de l’imaginaire.