MAMAC, Nice
Emprunter la trace d’un animal de Lascaux, une figure de Matisse, un idéogramme chinois ou une signalisation routière, ce sera toujours se référer à l’universalité d’un langage à travers l’image. Mettre en regard celle-ci avec les mots, la dépouiller de toute narration de manière à en faire surgir la seule autorité du signe dans sa résonance poétique, voici autant de préoccupations qui président à l’œuvre de Marcel Alocco.
Depuis les années 60, celui-ci, aux confluences de Fluxus et de Support-Surface, s’est attaché à rendre compte de la matérialité de la peinture à travers celle des objets et se mesurer à l’abstraction du signe dans une époque marquée par la sémiologie et les réflexions sur la poétique. Et Marcel Alocco, de culture littéraire et dans une quête de poésie visuelle, s’empare de la peinture dans la recherche d’une autre grammaire pour explorer la relation des mots et des choses.
Accorder ou désaccorder les éléments de la peinture, le châssis, les couleurs, le tissus et la figure, autant de pistes pour une syntaxe personnelle et la construction de ces «patchworks» qui deviendront la signature de l’artiste. De ses rencontres avec George Brecht et avec Ben qui en 1967 l’exposera dans sa galerie «Ben doute de tout», il conservera l’idée de la prédominance d’un langage qu’il prélève à travers formes et matières. C’est ainsi que les œuvres présentées renvoient à des objets traduisant la poétique du quotidien de Fluxus tandis que les autres, plus tardives, s’inspirent davantage d’une démarche intellectuelle d’analyse de l’image. Celle-ci n’existe qu’en relation à son support, à ses références et à son contexte. Aussi Marcel Alocco crée-t-il ses assemblages à partir de toiles de draps qu’il découpe, réassemble de façon aléatoire en les cousant et en y imprimant au pochoir ou au tampon, un signe iconique rappelant un logo, un moment de la peinture ou le style d’un artiste.
«La peinture en fragments» est ainsi une plongée dans le temps, un regard critique et distancié sur ce qui a constitué l’histoire de l’art. Et l’artiste poursuit ses recherches jusqu’à extraire la figure de sa trame en "dépeignant" le tissus, fil après fil, pour faire surgir l’image comme une trace ou une empreinte dans la mémoire de la matière. C’est ainsi que dans la blancheur d’un tissus patiemment déchiré, apparaissent les fils qui dessinent en transparence la Danse de Matisse. Et le nom de celui-ci n’est sans doute pas étranger à son choix de «tisser» et de rappeler l’humilité du geste artisanal. Voir, réfléchir, faire, voici une pensée en acte dans le corps même de la peinture et Marcel Alocco nous en restitue de savoureux instants.