Galerie Lympia, Nice
MOYA
en quatre lettres qui architecturent une œuvre. Parce que,
matériellement, les peintures et les sculptures se structurent ici à
partir de ces lettres et que l'artiste revendique fièrement les jeux
de l'ego et de la duplication. A partir de son propre nom, Patrick
Moya construit un univers personnel qui vise à l'universel et, une
telle ambition le conduit à jouer de tous les registres et à
rejeter les frontières admises entre naïveté, sérieux, humour,
ironie... Tout se mêle joyeusement dans le désordre des formes et
des couleurs mais aussi tout se dissout dans ces constructions
baroques saisies par le vertige de créer un monde artificiel, d'en
être le Créateur et de jouer avec ses créatures mielleuses et
dérisoires.
Cela semble léger car issu du monde de l'enfance avec ses héros et
ses mythologies mais pourtant ce paradis est fragile. Peut-être
est-il contaminé par les clones et l'inflation médiatique qui le
menacent. Et ce n'est pas le moindre intérêt de cette œuvre qui
simule la candeur et la naïveté pour mieux dire l'extrême
complexité de notre monde.
Aussi
l'art de Moya consiste-t-il à parodier son propre univers en se
projetant constamment dans des jeux de constructions en abyme, des
jeux de miroirs où les mêmes figures résonnent sans cesse dans de
nouvelles anecdotes sans autre trame que celles des signes qui les
organisent. Ici aucune narration mais une mise en scène signifiante
à partir de personnages issus de la culture populaire, des contes,
de la bande dessinée , de la télévision et des nouvelles
technologies. L'art est un double de la vie comme le sont les univers
virtuels. Tout n'est plus que spectacle et alors tout devient
possible dans la réalité de cette fiction de « Double life ».
Les Dieux et les Hommes disparaissent happés par ces marionnettes
qu'ils auraient construites.
Délire
démiurgique ou méditation inquiète sur notre monde ? Sans
doute la question taraude- t-elle l'artiste à un tel point que
celui-ci ne cesse de se livrer à une sorte de psychanalyse en
interrogeant le nom du père, les figures de l'enfance, la mièvrerie
des décors du rêve, les nœuds du fantasme et du réel.
Au
moins Moya ne triche-t-il jamais. Il joue avec insolence de la
facilité mais excelle aussi dans des compositions numériques
extrêmement complexes. Il assume l'exagération, le narcissisme et
cette phrase célèbre de Mcluhan : « Le message, c'est le
médium ». Et surtout il nous renvoie au miroir vertigineux de
ce que nous sommes aujourd'hui. A chacun d'y insérer ses propres
images ou ses significations mais tout se diffusera sous les auspices
de la cruauté enfantine, du merveilleux corrompu par le kitsch et la
redondance des images. Derrière l'opacité de cet univers factice,
l'artiste dévoile peut-être la réalité d'un monde que nous ne
savons pas ou que nous ne voulons pas voir.