Musée des Beaux-Arts Jules Chéret, Nice
Jusqu’au 28 avril 2024
C’est un instant particulier de l’histoire de l’art que cette exposition relate mais, ne serait-ce que par le choix de ses acteurs, elle justifie pleinement son ancrage à Nice. En effet au XIXe siècle, une classe sociale aisée et européenne établit les prémisses du «tourisme» - mot qui apparaît alors comme un anglicisme. C’est le «Grand Tour» essentiellement tourné vers la Méditerranée et l’Italie, avec la découverte de l’antiquité et une ouverture vers les arts au-delà de la seule aristocratie. Nice s’épanouit dans ce contexte et le Musée Chéret lui-même fut d’abord construit sous les auspices de l’épouse d’un conseiller du tzar de Russie. L’art n’a plus seulement une fonction symbolique ou décorative, il implique désormais un large public qui désire s’approprier les œuvres et même se rêver «artiste» comme cette jeune anglaise qu’on découvre avec ses croquis et aquarelles au début du roman de Mérimée, Colomba. Il s’agit bien alors de «Vivre pour l’art»! C’est ainsi peut-être qu’on pourra imaginer Charlotte de Rothschild...
Cette aventure entre deux familles, les Trachel et les Rothschild, nous est racontée à partir d’une donation de 1700 œuvres dont 250 ont été sélectionnées pour cette vaste exposition qui se prolonge ailleurs dans la ville, au Palais Lascaris et au Musée Masséna.
De 1820 à 1872 Hercule Trachel parcourt l’Europe, emprunte l’aquarelle aux anglais; il peint et acquiert, au gré de ses pérégrinations et de la générosité de ses mécènes, de nombreux objets d’art dont certains sont présentés ici. La famille De Rothschild l’accompagne souvent en Italie et la baronne Charlotte qui s’initie à l’art avec lui, l’accompagnera pendant plus d’une décennie dans ses voyages à travers l’Europe. L’Italie, en particulier Venise, leur offre des vues saisissantes que Charlotte restitue dans des aquarelles d’une authentique sensibilité tandis qu’Hercule Trachel utilise ses croquis pour les transformer à l’atelier en de vastes compositions à l’huile. Ces panoramas lumineux et pittoresques répondant alors aux goûts d’un vaste public, rencontrèrent un succès certain. De nombreux paysages des deux artistes nous entraînent dans ce périple où les peintures accompagnent des œuvres acquises en particulier par Charlotte - des toiles de la Renaissance, des bijoux, des instruments de musique…
Au-delà de ces deux personnages hauts en couleur et à la forte personnalité, ce sont deux familles qui illustrent ce récit avec, en particulier, Antoine Trachel, frère cadet d’Hercule et artisan d’art, créateur de meubles, de coffrets et de bas-reliefs. Mais aussi son autre frère, Dominique, qui réalise de nombreuses marines. Ce sont donc des œuvres très diverses qui se succèdent dans l’atmosphère d’un vaste cabinet de curiosités qui restitue l’atmosphère de la Riviera avec cette soif de connaître qui fut celle de sa population cosmopolite. Vivre pour l’art au XIXe siècle fut cette belle page dont les images lumineuses imprègnent encore l’histoire de la Côte d’Azur.