Galerie Helenbeck, Nice, jusqu'au 31 mai 2019
L'on se souvient des natures mortes comme des amoncellements de légumes ou de de fruits et pour leur charge symbolique. Encore faudrait-il les désigner dans la seule appellation de leur origine flamande, des « vies silencieuses ». Et c'est bien dans la résonance de ce contexte qu'éclot l’œuvre d'Isa Barbier. Non par accumulation, mais au contraire par un retour aux sources du monde végétal, à l'air qui le porte ou bien au tremblement des plumes, à la blancheur immaculée, au souffle à peine perceptible de la vie quant tout ceci se pare de l'informel du silence.
Car peut-on suggérer une forme pour le silence? Et qu'en adviendrait-il de celui qui s’engouffrerait dans les brèches de cette création? Car au-delà d'une relation au Land Art, Isa Barbier énonce les éléments minimaux de l'élaboration d'une œuvre et, en creux, toutes les perturbations qui la menacent. L'aventure est désormais dans cette expérience intérieure quand elle s'accorde à tous les atomes de la nature.
Avec
recueillement, l'artiste en recueille les fragments les plus humbles. Feuilles délicatement peintes, tiges aux courbes modulées
ou agglomérats d'aiguilles de pins enduites de couleurs se
dispersent dans l’espace, non pour révéler un geste ou extraire
l'essence des choses mais plutôt pour détourner ces éléments de
leur origine biologique afin de les confronter aux conséquences de l'art.
Cette intimité qui se crée entre cette nature balbutiée et l’œuvre
construite se tisse avec une délicatesse extrême : l'air
invisible, par la légèreté de son souffle, pénètre la béance
des feuilles de calques superposées sur lesquelles Isa Barbier
dessine des herbes comme des jets colorés. Ailleurs, des figures
géométriques s'emparent de l'espace, se gorgent de sa lumière. Et
pourtant tout n'est ici qu'un assemblage, une grammaire poétique des
signes de la nature. Aux confins du visible, des plumes en suspension
déploient leur neige, attachées à des fils de la vierge. Murmures
et vibrations, légèreté du monde que l'artiste accompagne avec
douceur. Tout se love dans cette ondulation de la matière, cette
respiration des choses quand l'artiste en sélectionne les parcelles
les plus fines pour les essaimer sur une partition dont nous percevrions les notes aussi ténues qu'une tombée de flocons. Il faut
alors s'ouvrir au ravissement, s'abandonner humblement à ce presque
rien dans lequel étincellent les nervures du vivant. Il ne s'agit
plus alors, de voir, d'entendre ni même de nous confier à
l'intégralité de nos sens mais plutôt de se livrer à une sereine
contemplation. Ces simples linéaments, fil à fil, tissent comme l’architecture aérienne d'un nid et l'artiste parvient alors à donner forme au silence.