dimanche 24 mars 2019

Isa Barbier, "Linéaments"

Galerie Helenbeck, Nice, jusqu'au 31 mai 2019


L'on se souvient des natures mortes comme des amoncellements de légumes ou de de fruits et pour leur charge symbolique. Encore faudrait-il les désigner dans la seule appellation de leur origine flamande, des « vies silencieuses ». Et c'est bien dans la résonance de ce contexte qu'éclot l’œuvre d'Isa Barbier. Non par accumulation, mais au contraire par un retour aux sources du monde végétal, à l'air qui le porte ou bien au tremblement des plumes, à la blancheur immaculée, au souffle à peine perceptible de la vie quant tout ceci se pare de l'informel du silence.
  Car peut-on  suggérer une forme pour le silence? Et qu'en adviendrait-il de celui qui s’engouffrerait dans les brèches de cette création? Car au-delà d'une relation au Land Art, Isa Barbier énonce les éléments minimaux de l'élaboration d'une œuvre et, en creux, toutes les perturbations qui la menacent. L'aventure est désormais dans cette expérience intérieure quand elle s'accorde à tous les atomes de la nature.
Avec recueillement, l'artiste en recueille les fragments les plus humbles. Feuilles délicatement peintes, tiges aux courbes modulées ou agglomérats d'aiguilles de pins enduites de couleurs se dispersent dans l’espace, non pour révéler un geste ou extraire l'essence des choses mais plutôt pour détourner ces éléments de leur origine biologique afin de les confronter aux conséquences de l'art.
Cette intimité qui se crée entre cette nature balbutiée et l’œuvre construite se tisse avec une délicatesse extrême : l'air invisible, par la légèreté de son souffle, pénètre la béance des feuilles de calques superposées sur lesquelles Isa Barbier dessine des herbes comme des jets colorés. Ailleurs, des figures géométriques s'emparent de l'espace, se gorgent de sa lumière. Et pourtant tout n'est ici qu'un assemblage, une grammaire poétique des signes de la nature. Aux confins du visible, des plumes en suspension déploient leur neige, attachées à des fils de la vierge. Murmures et vibrations, légèreté du monde que l'artiste accompagne avec douceur. Tout se love dans cette ondulation de la matière, cette respiration des choses quand l'artiste en sélectionne les parcelles les plus fines pour les essaimer sur une partition dont nous percevrions les notes aussi ténues qu'une tombée de flocons. Il faut alors s'ouvrir au ravissement, s'abandonner humblement à ce presque rien dans lequel étincellent les nervures du vivant. Il ne s'agit plus alors, de voir, d'entendre ni même de nous confier à l'intégralité de nos sens mais plutôt de se livrer à une sereine contemplation. Ces simples linéaments, fil à fil, tissent comme l’architecture aérienne d'un nid et l'artiste parvient alors à  donner forme au silence.







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