samedi 6 avril 2019

Silva Usta, "Tatoothérapie"



Artiste protéiforme, jouant de toutes les matières, osant toutes les performances, Silva Usta oscille d'une œuvre à l'autre en retournant sans cesse à son thème de prédilection, le corps. Ici elle explore le va et vient entre l'image photographique et le texte biographique qui l'accompagne. Les zones de rencontre ou les espaces lacunaires se croisent et tissent un récit ambiguë sur le tatouage et la peau qui le porte.
L'intérêt d'une telle exposition c'est aussi d'inscrire la photographie non dans un instant mais dans la durée quand elle s'annexe à la vie d'un personnage, à sa réalité, mais peut-être aussi et surtout, à ses rêves, ses utopies ou ses manques. L’artiste s'attache, dans l'exécution de ces portraits, à révéler ce que le tatouage imprime dans le corps comme épopée personnelle, qu'il soit texte ou image. Cet entre deux diffuse un effet de miroir où la vérité des personnages vacille entre le réel et la fiction que chacun d'eux se construit. Silva Usta maintient cette ambiguïté en superposant aux textes et images, un léger treillis de tulle qui tend à créer  un effet de voilage ou, au contraire, donne l'illusion d'un agrandissement de l'image par ce qui ressemble à un excès de pixellisation. Loin de dénuder les personnages, ce double jeu les dote d'une seconde peau érotisée d'une résille. A cette peau sur laquelle le tatouage se dépose, l'artiste rajoute une forme de derme social. Non pas dans le sens tribal de certains tatouages ou scarifications, mais plutôt dans l'idée que nous sommes tous du texte et de l'image. Et que nous portons tous l'un et l'autre, à même la peau. Que nous leur donnons une véritable apparence au-delà même de ce que nous souhaitons rendre visible.
Mais pour quel contenu ? Peut-être pour dire que cette écorce dont nous pouvons nous sentir prisonnier, il suffit d'un signe ou d'un mot pour s'en libérer. La peau est alors ce parchemin qui nous délivre un quitus mais le tatouage, tel qu'il est raconté dans ces textes, s'apparente à une seconde peau qui permet à celui qui la porte de s'affranchir symboliquement de la première pour vivre librement de la seconde dans une socialisation qu'il aura choisi et qu'il revendique de la sorte.


A mi-chemin entre sociologie et anthropologie, cette œuvre échappe cependant au documentaire. Comme un tatouage, Silva Usta l'expose dans une distance simulée comme pour dire : « L'art, je l'ai dans la peau. » L'art est aussi cette autre peau qui nous permet d'envisager le monde autrement. Il est ici cette revendication.

Espace culturel La Passerelle, Nice,  jusqu'au 30 avril 2019


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