samedi 15 juillet 2023

Martine Feipel &Jean Bechameil, «Traversée de nuit»

 



L’interaction de l’art et de la vie ne cesse de hanter la création contemporaine et, d’une exposition à l’autre, nous voici confrontés à une multitude de propositions disparates mais toujours dans cette même volonté de faire écho à notre environnement et de donner forme aux liens qui rattachent l’artiste à la société. Pour Martine Feipel et Jean Béchameil, il ne s’agit donc pas tant d’explorer de nouveaux territoires que d’associer la sculpture ou l’architecture dans leur relation contradictoire au réel et à l’imaginaire. «Traversée de la nuit» est une vidéo illustrant une procession nocturne, allégorie de migrations où les personnages portent en guise de revendications des effigies de cigales, de pieds ou de scarabées réduits à l’effet de signes dévitalisés. Le duo d’artistes excelle dans ces cérémonies sous forme de performances filmées mais aussi de compositions en résine acrylique de figures géométriques ou d'une nature épurée. Inquiétude ou résilience se disputent dans les paradoxes des arbres, d’une ruine et d’une robotisation exacerbée. L’univers se réduit alors à ce conflit ouvert par lequel la rigueur minimaliste et l’obsession utilitaire se confrontent à une communauté humaine.

Ici s’entremêlent poésie et politique quand Feipel & Béchameil dans un registre très ouvert, fait appel à la robotisation et au mouvement pour traiter dans des matières neutres, résine, plâtre ou céramique, un univers parallèle aux couleurs industrielles. Cet univers percute l’histoire de l’art par des allusions au Bauhaus, à Sonia Delaunay et au modernisme. Mais il parle surtout de l’étrangeté de notre rapport au monde quand nous y sommes tous étrangers par le filtre de ces œuvres qui se dérobent à nos certitudes pour interpréter leur propre partition. A la fois collectives et d’apparence évidente, les pièces présentées s’associent pourtant comme des énigmes absorbées dans une même grammaire. La fragilité du sens, l’inutilité des choses se heurtent alors à un désir de beauté, à un rêve d’humanité. Parfois cet art peut sembler froid, hostile. Pourtant pour peu que l’on s’y confie, sa complexité dans l’invention, son intelligence et son défi à toute logique, parviennent à imposer l’idée d’une domination technologique qui aurait contaminé toutes les strates de la société en emportant avec elles le souvenir même de l’art. C’est pourtant bien celui-ci que nos deux artistes revendiquent avec force et dans un humour discret: d’autres matières, d’autres couleurs pour un autre regard sur le monde.



jeudi 6 juillet 2023

Monaco Art Week

 

                                                    Mary Ronayne, HOFA YellowKorner Monte Carlo


Du 4 au 9 juillet 2023


D’une année à l’autre, Monaco Art Week ne cesse de prendre de l’ampleur et reflète en cela le dynamisme de la principauté à la fois pour le commerce de l’art et la variété de ses expositions. C’est toute la vitalité d’un écosystème qui, entre musées, maisons de vente aux enchères et galeries internationales, s’affiche en une multitude de propositions avec pour seule règle la qualité de l’œuvre. Pour clore cette semaine artistique, Artmonte-Carlo, organisé par Art Genève, s’est également hissé au fil du temps comme l'un des événements majeurs de la scène artistique sur le plan international.

L’art contemporain tisse l'essentiel du fil de ce parcours artistique mais le XXe siècle est superbement représenté par une importante sélection d’œuvres sur papier de Chagall chez Sotheby's tandis que, sur un autre registre, il rend hommage à John Chamberlain et son approche poétique de la matière chez Hauser&Wirth. On y trouvera aussi, comme chez Opera Gallery, des œuvres de George Condo en écho à la grande exposition de l’artiste, «Humanoid» au Nouveau Musée National de Monaco. Et toujours pour la peinture, un beau voyage dans l’impressionnisme chez Moretti Fine Art avec Renoir, Cross ou Le Sidaner et, rareté, un superbe bouquet de fleurs de Bonnard. Voici donc un beau prélude à la grande exposition estivale au Grimaldi Forum, «Monet en pleine lumière».

C’est davantage à de plus jeunes artistes que se consacrent d’autres galeries telles que HOFA YellowKorner avec un focus sur Mary Ronayne et son univers déjanté en couleurs acides pour une comédie humaine ensoleillée et grimaçante. Quant à Kamil Art Gallery, elle nous proposera toute une sélection de travaux abstraits d’Olga Sinclair sous le signe d’un expressionnisme maîtrisé et de la couleur. Dans sa relation à la littérature, c’est Jane Gemayel qui dans «Au cœur d’un regard», nous entraîne avec la Galerie Adriano Ribolzi, dans toute la complexité d’un univers sensible et lumineux.

Voici donc un panorama complet de la peinture d’aujourd’hui qui nous permettra la découverte d’œuvres inédites d’artistes tels que Soulages, Picasso, Léger et tant d’autres. Mais la photographie est aussi à l’honneur avec Axel Crieger à la Teos Gallery tandis que chez Lebreton, la céramique est célébrée par toute une série de pièces réalisée à Vallauris entre 1950 et 1970. Et n’oublions pas la joaillerie avec la recherche sur le titane de Martin Spreng chez Elisabeth Lillo-Renner qui présente aussi les bijoux aux motifs floraux de Margherita Burgener. Telle est cette scène artistique en plein essor qui place désormais Monaco parmi les capitales les plus dynamiques de l’art d’aujourd’hui car cette sélection est loin d’être exhaustive. Désormais partout, dans ses parcs, ses musées ou ses rues, l’art jaillit ici au cœur de l’été.