Les
deux expositions qu'il présente simultanément à Grasse et à
Draguignan révèlent ces deux versants -luxe et guerre-
auxquels l'art confère une forme particulière. Dans la crypte de la
Cathédrale de Grasse, l'artiste s'empare de la peinture classique et
de sa relation au religieux pour marquer son décalage mais aussi son
ancrage avec le monde contemporain par le biais de la violence et de
la guerre. Dans la Chapelle de l'Observance de Draguignan, son œuvre
est liée à l'industrie du luxe. Mais elle s'inscrit dans l'écriture
d'un même
champ étymologique où luxe, luxure et lucre se mêlent; elle
se formule dans cet espace dans lequel aucune morale n'a prise, sur
ce terrain vague où les mauvaises herbes côtoient les plus belles
fleurs. Il revient alors à l'artiste de lui donner forme en maniant
cette glaise où la beauté se conjugue à l'horreur, là où
l'humanité semble à jamais absente. Guerre et violence ne cessent
de hanter aussi ce monde-là. Georges Bataille associait la dépense
au sacrifice quand Hayat en restitue l'image « luxuriante »
mais comme sur du papier glacé: Image de cette collision tragique
entre la beauté formelle, l'argent dont elle n'est pas indemne, et
les catastrophes humaines qui en découlent.
Yves
Hayat vient de la publicité, c'est à dire de la « séduction »
qui, étymologie encore, nous conduit "hors du chemin"...
Mais l'art ne se soucie guère de cette morale là quand il porte la
prémonition de nouveaux chemins en friche comme des territoires à
conquérir pour un monde meilleur. Encore faut-il exhiber les
stigmates de tous ces objets liés au désir, à la mode, à
l'accumulation somptuaire et à ce qui peut en résulter comme
horreur.
Hayat
travaille à partir de photographies de l'industrie du luxe qu'il
associe à celles de la guerre et des ruines. L'artiste maîtrise
tous les codes de la publicité, ceux d'un message simple s'appuyant
sur un langage de masse et la perfection du support. Mais ici l'objet
de luxe est taraudé par l'idée de luxure ; il est poussé dans
ses retranchements, déformé, acculé à l'extrême de son possible
jusqu'à menacer de sombrer sur le versant de la cruauté. Sous la
peau séduisante des images, un enfer nous menace.
Crypte
de la cathédrale de Grasse jusqu'au 15 novembre
Chapelle
de l'Observance à Draguignan jusqu'au 8 décembre