lundi 24 septembre 2018

Martin Caminiti "Tête en l'air et sans mobile apparent"


                                 

                                     Rien de plus indéfinissable qu'un objet de Martin Caminiti. Parler d'objet c'est encore ici se résigner à le nommer ainsi quand il oscille entre dessin et sculpture, ombre et représentation, insecte ou végétal. Car cet objet semble se dérober à lui-même et au temps dans lequel il s'inscrit. Autant dire qu'il le traverse, incongru, presque immatériel, qu'il malmène ou structure l'espace qui le contient et qu' il témoigne ainsi d'une manière d'approcher ce que pourrait être une œuvre d'art : une trouée, une échappée dans le temps et l'espace, une hypothèse de sens pour déjouer les atours séduisants mais illusoires du réel.
                            Aveuglé par l'image d'un présent autant obsessionnel qu' éternel, l'homme de la consommation se consume au fur et à mesure qu'il érige l'éphémère comme signe du vivant jusqu'à utiliser des pratiques dites artistiques pour dénier à l'art toute possibilité de produire des utopies et des formes nouvelles. C'est à dire tout ce qui se joue en dehors de l'espace et d'un temps quand il se déchire de sa seule actualité. Giorgio Agamben en 2008, dans « Qu'est-ce que le contemporain ? » écrivait : « Celui qui appartient véritablement à son temps, le vrai contemporain, est celui qui ne coïncide pas parfaitement avec lui ni n'adhère à ses prétentions, et se définit, en ce sens, comme inactuel. » L'art de Martin Caminiti est inactuel car il détourne l'usage des choses, les mythologies de l'utilitaire pour les traduire en icônes incertaines de notre temps. Fausses idoles mais créations magiques pour un siècle aux rêves perdus. Sont-ce des libellules, ces fils tendus sur du verre, ces filaments aériens qui dessinent des flexions contre un mur ou vers le ciel ? Ou bien figurent-ils quelque motif végétal qui se serait échappé de la gangue de l'industrialisation, d'une bicyclette ou d'une canne à pêche?
                            Rythme, douceur, poésie, regard dédaigneux sur le temps, humour sur l'ironie et l'obsession matérielle. Martin Caminiti est l'artiste du détachement. On peut espérer que la légèreté de ses constructions incertaines épouse les courbes d'une calligraphie nouvelle pour dire autrement le monde, loin de l'art des carrefours ou de la finance, loin de l'asservissement au grondement des frustrations haineuses des uns et des autres... On peut aussi rêver.

Galerie Matarosso, Nice, jusqu'au 6 octobre 2018



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