MRAC
d'Occitanie, Serignan
Jusqu'au
27 mai 2020
Penser
les états de la matière, les mesurer aux figures imaginaires de
l'immatériel quand celles-ci se drapent de toutes les pensées qui
au fil des siècles ont tissé notre perception du monde, à travers
les sciences, la philosophie ou l’ésotérisme, voici le fond
duquel surgissent les dessins d'Abdelkader Benchamma.
Né
en 1975, l'artiste au moyen de médiums très divers - encre, fusain,
feutre mais aussi bombe aérosol ou peintures à base de cuivre,
d'argent ou d'aluminium – se livre à une délicate alchimie pour
exprimer les tensions de l'univers, l'énergie contenue dans l’
immensément grand et les effets produits dans un espace restreint
et contraint, celui d'une architecture ou d'un lieu. Aussi les œuvres
éphémères présentées in situ recouvrent-elles trois salles du
MRAC Occitanie à travers des dessins muraux et dans une
continuelle relation au sol ou au plafond.
C'est
dans l'architecture des églises romaines que l'artiste trouva sa
source d'inspiration. En résidence à la Villa Médicis en 2018, il
fut fasciné par le marbre et ses veinules, les contractions du
minéral et du temps qui s'élaboraient ainsi que les jeux
illusionnistes du faux marbre. Il y voyait cette correspondance avec
ce qu'écrivait cet autre ancien pensionnaire de la Villa,
Didi-Huberman : celui-ci analysait les fresques de Fra
Angelico dans « Dissemblance et Figuration » et suggérait
que l'indétermination des figures révélait l'invisible et
l’irreprésentable, le hiatus entre la chose et l'image.
Les
dessins d'Abdelkader Benchamma témoignent de ces sédimentations de
forces et de tourbillons, de cette fusion entre l'immensité et
l'atome, entre le terrestre et le céleste. « Fata bromosa »,
le titre de l'exposition, se rapporte à un phénomène d'optique
rapporté par des navigateurs du Moyen-Âge, avec des effets de
mirage lumineux à l'horizon. Cette « fée des brumes »
illustre ce brouillage de la perception, cette hésitation entre le
réel et l'imaginaire, la représentation et l'abstraction. C'est
dans ces territoires faits de grottes, de vortex, de Big Bang ou de
trous noirs dans lesquels la science se dispute à la poésie, que
l’œuvre se construit dans l'écho de sa propre disparition. Une
œuvre mouvante comme métaphore des formes instables de l'existence.