Nina
Carini dessine avec ce fil qui incise l'envers de la feuille pour des
ébauches de formes primitives, des mémoires de formes géométriques
ou d'étoiles. Dessins murmurés d'un univers balbutiant, réduit à
sa seule force organique. L'artiste tisse cet instant de la création
quand l'aléatoire impose son signe sans recours possible et que ce
signe se mesure au réel pour traduire ce qui est avant
d’apparaître. On devine ici ce qui seraient les prémisses d'une
partition musicale, ou là ce qui serait un idéal cosmique - une
perfection rythmique faite de presque rien, une incidence lumineuse,
un poudroiement de noir dans un cercle parfait, des angles qui se
découvrent. Mais encore faut-il pouvoir vraiment les voir, comme à
l'instant où la mer se retire laissant derrière elle des formes qui
se laissent deviner mais jamais apprivoiser.
Cette
fragilité s'énonce avec rigueur, dans toute sa certitude. Les
formes qui en résultent, humbles et somptueuses, procèdent de cet
équilibre parfait entre un esthétisme pur et le mépris d'une
beauté frelatée rétive au sens, à ce sens comme seul horizon.
Car
l’œuvre s'apparente à une calligraphie minimale. Ébauche de
dessins mais aussi cette installation « je t'aime » sur
une centaine de feuilles avec les mots qui, d'une feuille à l'autre,
se superposent jusqu'à leur effacement total. Mise en scène
translucide comme dans ce léger filet de cordages constellés de
fragments de points et de traits où s'esquisse la tentation d'une
figure. Ou encore cette vidéo où des tournoiements de lumières sont les circonvolutions d'une danse. Tout n'est qu'équilibre et légèreté,
évidence et simplicité mais pourtant quel mystère quand nous
échouons à comprendre l'agencement de ces signes. Plutôt qu'à un dévoilement, l'artiste nous enjoint de céder à la sérénité d'un vertige.