jeudi 31 janvier 2019

Nina Carini, "Are my eyes distracting my hearing?"



La vie ne tient qu'à un fil, à ce temps suspendu que l'artiste italienne Nina Carini surprend à sa source, dans l'hésitation de la matière ou la perception du vide. Tel est ce fil conducteur qui s'insère aux lisières de l'effacement. Nina Carini l'inscrit sur le papier de coton qu'elle perce pour le faire couler avec une précision extrême comme pour relater un précieux instant de méditation. Voici donc une œuvre saisie dans le recueillement et qui ne se dévoile que lentement quand elle engage celui qui la regarde dans ce même cheminement vers la source de tout langage. Pensée et perception se confondent alors aux confins d'une énonciation dont nous ne saisirons que la trame.
Nina Carini dessine avec ce fil qui incise l'envers de la feuille pour des ébauches de formes primitives, des mémoires de formes géométriques ou d'étoiles. Dessins murmurés d'un univers balbutiant, réduit à sa seule force organique. L'artiste tisse cet instant de la création quand l'aléatoire impose son signe sans recours possible et que ce signe se mesure au réel pour traduire ce qui est avant d’apparaître. On devine ici ce qui seraient les prémisses d'une partition musicale, ou là ce qui serait un idéal cosmique - une perfection rythmique faite de presque rien, une incidence lumineuse, un poudroiement de noir dans un cercle parfait, des angles qui se découvrent. Mais encore faut-il pouvoir vraiment les voir, comme à l'instant où la mer se retire laissant derrière elle des formes qui se laissent deviner mais jamais apprivoiser.
Cette fragilité s'énonce avec rigueur, dans toute sa certitude. Les formes qui en résultent, humbles et somptueuses, procèdent de cet équilibre parfait entre un esthétisme pur et le mépris d'une beauté frelatée rétive au sens, à ce sens comme seul horizon.
Car l’œuvre s'apparente à une calligraphie minimale. Ébauche de dessins mais aussi cette installation « je t'aime » sur une centaine de feuilles avec les mots qui, d'une feuille à l'autre, se superposent jusqu'à leur effacement total. Mise en scène translucide comme dans ce léger filet de cordages constellés de fragments de points et de traits où s'esquisse la tentation d'une figure. Ou encore cette vidéo où des tournoiements de lumières sont les circonvolutions d'une danse. Tout n'est qu'équilibre et légèreté, évidence et simplicité mais pourtant quel mystère quand nous échouons à comprendre l'agencement de ces signes. Plutôt qu'à un dévoilement, l'artiste nous enjoint de céder à la sérénité d'un vertige.

NM> Contemporary   17, rue de la Turbie  Monaco

Jusqu'au 3 avril 2019



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