jeudi 10 janvier 2019

Stéphane Couturier; Musée National Fernand Léger, Biot


                 

                     Dans sa relation au réel comme dans son cadrage, la photographie hérite directement de la peinture. A celle-ci s'ajoute cependant cet aspect mécanique qui met en péril toute notion de subjectivité, non pour la faire disparaître mais plutôt parce que la technique marque les points de convergence ou d'opposition entre ce que l’œil perçoit et ce que l'appareil restitue. Fernand Léger fut ce peintre qui exprima sa fascination pour l'univers technique, les machines et l'architecture nouvelle que ce monde mécanique engendra. Photographe, Stéphane Couturier poursuit cette quête de la représentation et des pouvoirs de l'image en se superposant, au sens propre et figuré, à l’œuvre de Léger. Plus qu'un dialogue, c'est un débat qui s'engage, sur un fond historique, entre les deux artistes puisque le peintre exprimait la grandeur du monde moderne quand le photographe oppose à l'exaltation de celui-ci sa disparition, sa dissolution dans le numérique : le médium photographique n’est plus asservi au réel mais il témoigne ici de son effacement progressif.
                 A la puissance architecturale des peintures de Fernand Léger, Stéphane Couturier répond par des photographies monumentales qui semblent reprendre l'ossature et la trame du peintre. Mais là où une réalité nouvelle surgissait, ce sont désormais des plages de réel qui se dissolvent, des rebuts de signes pour décrire son épuisement. La photographie se formule ici sur une superposition d'images et cet afflux provoque un effet de brouillage, une destruction de la perspective et, in fine, cette mise à plat d'une abstraction qui, paradoxalement, se charge d'une valeur documentaire.
               Stéphane Couturier travaille par séries à partir d'images créées pour cette confrontation en hommage à Léger, mais aussi avec des photographies plus anciennes. Qu'il s'agisse de clichés saisis à Sète, à Brasilia, de points de vue architecturaux ou de photographies d'usines, ces séries parlent de la peinture et peut-être aussi de sa disparition. Ces images fragmentées dans lesquelles ne subsistent que traces, couleurs, rythmes et plans énoncent la puissance de cette peinture et de ce trouble mystérieux qu'elle seule peut encore porter.



Musée Fernand Léger, jusqu'au 4 mars 2019

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