Dans
sa relation au réel comme dans son cadrage, la photographie hérite
directement de la peinture. A celle-ci s'ajoute cependant cet
aspect mécanique qui met en péril toute notion de subjectivité,
non pour la faire disparaître mais plutôt parce que la technique marque les
points de convergence ou d'opposition entre ce que l’œil perçoit
et ce que l'appareil restitue. Fernand Léger fut ce peintre qui
exprima sa fascination pour l'univers technique, les machines et
l'architecture nouvelle que ce monde mécanique engendra.
Photographe, Stéphane Couturier poursuit cette quête de la
représentation et des pouvoirs de l'image en se superposant, au sens
propre et figuré, à l’œuvre de Léger. Plus qu'un dialogue, c'est
un débat qui s'engage, sur un fond historique, entre les deux
artistes puisque le peintre exprimait la grandeur du monde moderne
quand le photographe oppose à l'exaltation de celui-ci sa
disparition, sa dissolution dans le numérique : le médium
photographique n’est plus asservi au réel mais il témoigne ici de
son effacement progressif.
A
la puissance architecturale des peintures de Fernand Léger, Stéphane
Couturier répond par des photographies monumentales qui semblent
reprendre l'ossature et la trame du peintre. Mais là où une réalité
nouvelle surgissait, ce sont désormais des plages de réel qui se
dissolvent, des rebuts de signes pour décrire son épuisement. La
photographie se formule ici sur une superposition d'images et cet
afflux provoque un effet de brouillage, une destruction de la
perspective et, in fine, cette mise à plat d'une abstraction qui,
paradoxalement, se charge d'une valeur documentaire.
Stéphane
Couturier travaille par séries à partir d'images créées pour
cette confrontation en hommage à Léger, mais aussi avec des
photographies plus anciennes. Qu'il s'agisse de clichés saisis à
Sète, à Brasilia, de points de vue architecturaux ou de
photographies d'usines, ces séries parlent de la peinture et
peut-être aussi de sa disparition. Ces images fragmentées dans
lesquelles ne subsistent que traces, couleurs, rythmes et plans
énoncent la puissance de cette peinture et de ce trouble mystérieux
qu'elle seule peut encore porter.
Musée Fernand Léger, jusqu'au 4 mars 2019
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