Musée National Marc Chagall, Nice
Troubler
nos sens pour nous ouvrir à une autre perception du monde, déplacer notre
conception de l'espace pour la promesse d'une pensée débarrassée
des normes, vierge de toute convention esthétique, voici le défi
que propose tout artiste véritable. Ce défi là, Henri Olivier le
relève superbement tant il parvient à rendre compte de façon
sensuelle et réfléchie, des notions de volume et d'espace associés
à un lieu et à son environnement.
L’artiste
déploie ici son installation dans une gamme de matériaux sobres - bois, plomb, néon - non pour exploiter un espace, le contraindre,
mais, au contraire, pour célébrer les transparences et
l'horizontalité du Musée Chagall qui l'accueille.
Le noir, l'ombre
et l'absolue pureté d'une ligne d'horizon qui se déploierait de
l'extérieur vers l'intérieur du Musée, font écho à l'extase
chromatique et à l'exubérance des formes dans la peinture de
Chagall. Deux approches opposées mais sans fausse note, pour une
musicalité toute en clair obscur, grave et somptueuse. C'est bien un
« parcours de l'ombre » qui se joue ici, porté par ce
fil d'horizon aussi ténu qu'un fil d'Ariane, traversé par les
flaques d'ombre des oliviers du dehors qui se déversent vers
l'intérieur et étincellent au sol. Des jeux de miroir inversent nos
relations entre l’architecture du Musée et le parc qui l’entoure ; ailleurs, la verticalité s'engouffre dans une horizontalité
sereine où se déploient toutes les gammes de la nature
environnante.
Ici
Henri Olivier n'impose rien ; il se contente de magnifier, de
déposer ça et là les signes qui murmureraient ces traces subtiles
que nous n'aurions pas perçues sans ce double dialogue avec un lieu
et un autre artiste . Mais sans lesquelles nous serions encore
toujours un peu aveugles au monde s'il ne nous avait initiés à ce
« parcours de l'ombre ».
Au
bout de ce périple silencieux, d'une sobriété extrême, c'est bien
une forme de lumière qui surgit. Une lumière sombre mais d'une belle inquiétude, comme l'autre versant de l'apothéose spirituelle de Chagall.
M.G
M.G