Galerie Eva Vautier, Nice jusqu'au 23 mars 2019
Mythes
et réalité ici se confondent dans une atmosphère née de cette
spontanéité de l'instant présent qui fut si déterminante pour
Fluxus.
Et
comment ne pas penser aussi à cette incantation sourde de Baudelaire
quand on se mesure à la présence des œuvres de Geoffrey
Hendricks décédé en 2018? « J'aime les nuages... Les
nuages qui passent.... là-bas... là-bas... Les merveilleux nuages ». Si ce poème de Baudelaire s'intitule « L'étranger », il
y a sans doute chez l'artiste cette même relation à l'étrangeté
du monde quand il s'empare des cieux et des nuages comme un au-delà
inaccessible, sans autre consistance que cette présence fugace et
toujours changeante des formes et des couleurs. Si la représentation
du ciel demeure une thématique forte de l'histoire de l'art, des
cieux mystiques de la Renaissance jusqu'aux études de nuages
aquarellées de Bonington, Geoffrey Hendricks se livre pourtant à une
approche radicalement autre.
S'inscrivant dans le mouvement Fluxus dès sa fondation avec Maciunas
en 1962, il intègre la force de l'éphémère et de
l'expérimental dans de nombreuses performances qui, à l'instar
de Beuys, relèvent d'une forme de cérémonial en prise avec la
terre, les éléments et les mythes. Répétitions, séries, comme
dans un rituel où l'artiste célèbre l'union de l'art et de la vie.
Les nuages... les nuages... Ils se définissent ici comme une série
de variations lumineuses, presque musicales. Mais aussi par cette
élévation poétique, dans la relation au corps, quand il alla
jusqu'à se représenter lui-même couvert de ces nuages-là ou bien
qu'il effectua plusieurs performances où il expérimenta le
déséquilibre en exécutant des poiriers. Tête renversée
comme pour une autre façon de percevoir le monde.
Photographies, installations et aquarelles témoignent de la vitalité
de cette œuvre qui influença tant d'autres artistes puisque
Geoffrey Hendricks enseigna durant 48 ans à la Rudgers University
dans le New Jersey tout en créant des actions partout dans le monde.
L'artiste nous lègue une œuvre dans laquelle la poésie de
l'absurde renvoie à une aspiration quasi mystique où la densité du
corps se heurte à l'immatériel. Théâtre de l'humain autant
que célébration solennelle teintée d'ironie, voici une œuvre
singulière et multiforme.
Dans
le sillage de Fluxus, l'artiste italienne née en 1941, Berty
Skuber, présente une œuvre où
la vie, dans sa globalité, se conçoit comme un patchwork de réalité
et d'imaginaire. Entre documentation et fiction
personnelle, une trajectoire se
construit au travers de l’ambiguïté des mots et des images. Photographies,dessins, peintures et autres objets s'imbriquent dans une fantasmagorie encyclopédique. Le
détail rebondit sur la totalité de façon aléatoire, la
représentation s'efface dans une abstraction pour une grammaire qui
s'ouvre à une autre forme possible de la subjectivité de l'artiste
pour une nouvelle conception du monde extérieur.
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