lundi 4 février 2019

Contre nature ou Les fictions d'un promeneur d'aujourd'hui



Gilles Miquélis

Penser la nature c'est se livrer à un vagabondage, une rêverie dans laquelle on glane des éléments de récolte, des fragments de paysage, des associations d'idées en collision avec le regard. Et la nature se charge alors de tout ce qui lui est étrangère à tel point que l'envisager c'est déjà se positionner « contre nature ».
Organisée par Evelyne Artaud, l'exposition du Centre d'Art Contemporain de Châteauvert met en scène ce décalage qui s'instaure entre la nature et celui qui s'en empare. Et plus précisément lorsqu’il s'agit de l'artiste dont le rôle consiste justement à traduire cette errance en formes et en fiction. Ou bien en déshérence quand ces histoires que le promeneur se raconte s'émiettent, se heurtent à la réalité d'une nature qui se meurt mais à laquelle les artistes peuvent insuffler des parcelles d'espérance quand ils nous enseignent une autre relation possible au monde.
Onze d’entre eux, à travers différentes pratiques -peinture, sculpture, vidéo, dessin, photo, installation – nous proposent une vaste orchestration plastique riche en cris et en silences, où l'amour interfère avec la violence quand, par exemple, Franta peint une nature sortie de ses gonds, avec ses chiens lâchés et hurlant. Mais l'amour est présent, il est même le seul lien véritable qui nous rattache au monde et l’œuvre de Didier Gianella et Emmanuelle de Rosa nous le rappelle par un distributeur de lettres d'amour pour 2€. Les superbes dessins de Michel Houssin mettent en évidence les processus de confusion qui s’instaurent entre l'homme et les éléments d'un paysage, dans un jeu de puzzle ou d'effacement. Tout cela est tendu à l'extrême ; la nature demeure souveraine, hurlante de vitalité, débordant de sève et chaque artiste nous raconte ce qu'elle lui a murmuré. Quelque chose qui s'est formulé en matières, en couleurs et en lumières et dont le seul mot porteur d’espoir qui subsisterait s'appellerait beauté.

Œuvres de Franta, Jean Jacques Cary, Marc Alberghina, Paolo Bosi, Gilles Miquelis, Emmanuelle de Rosa et Didier Gianella, Michel Houssin, Muriel Toulemonde, Jean-Paul Maniouloux, Luc Boniface

Centre d'Art Contemporain - Châteauvert, jusqu'au 30 juin 2019

                                                                  Jean-Paul Maniouloux


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire