L'artisanat
se mêle alors à la culture punk ; il témoigne ici des vieux
poncifs de la peinture revisités par des fragments de tapisserie
grossière qui citent l’Angélus de Millet et tant d'autres œuvres
du même registre. Des fleurs et quelques biches, une pincée de
Fragonard et une louche de Vermeer, tout cela est cousu dans un
patchwork kitsch qui s'annule pourtant quand ces mauvaises copies sont
elles-mêmes raturées par des pastiches de l'art populaire
d'aujourd'hui, celui des surhommes et des lasers. Il en ressort un
bric à brac coloré à l'extrême, contradictoire, mais aussi un
puzzle qui nous incite à reconstituer des fragments de temps et
d'espaces opposés.
Quel
sens donner à cette confrontation entre la niaiserie d'une peinture
idéalisée, ces scènes de genre mielleuses et le monde digital qui
s'exprime violemment mais pourtant dans une même schématisation
naïve ? Sans doute une catastrophe silencieuse, lisse, engoncée
dans un mythe de la perfection classique se tapit-elle dans un passé
dont les scories se veulent désormais invisibles.A celle-ci répond,
dans un hurlement saturé de couleurs comme un clin d’œil au
street art, la prémonition d'une apocalypse avec des personnages de
science fiction, des armes magiques, des collisions, des incendies,
des traces d'émeutes. Des tas de pneus peints ou cousus pendent
comme une mauvaise coulure en bas du cadre à peine rectangulaire de
l'ensemble du patchwork. Ça claudique de partout et il en résulte
quelque chose de dérisoire, de grotesque comme si l'artiste
s'amusait à parodier l'art rococo pour pousser à l'extrême tous
les artifices de la représentation.
L'art
est ici cette excroissance du réel. Comme l'est aussi le monde
digital qui dans les œuvres de Lucien Murat apparaît sur une
matière lisse dans des zones de pixels par analogie à la trame de
la tapisserie mais aussi en opposition à elle.
Loin
de cette œuvre qui prend parfois l'épaisseur d'un bas relief, qui
s'autorise tout, le rire, le délire ou la grimace, les œuvres
d' Eglé Vismanté se rapportent à un passé
lointain enseveli dans une mythologie médiévale que l'artiste
interprète par fragments, symboles comme autant de signes pour
matérialiser l'imaginaire. Le titre « Hics »
renvoie à l'adverbe latin pour « Ici » qui, pluralisé
au Moyen-Age, prend alors un sens juridique. L'artiste inscrit ainsi
une partie de son travail dans la simultanéité et l'éphémère.
L’œuvre semble menacé par son effacement. Des réminiscences de
monstres, des mutations hostiles, des brides de terreur surgies du
noir et du fusain rehaussé de blanc de Meudon irriguent les dessins
dans lesquels le réel s'imprègne du mythe et le concret se dissout
dans l'abstraction. Il en résulte des figures hybrides, parfois
d'apparence biologique – rappels de vertèbres ou de découpe de
tête – comme retour inconscient des monstres qui se terrent dans
notre imaginaire.
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