A
l’inverse d'un espace, la nuit n'est que feu et lumière
recroquevillés sur elle-même, jusqu'à leur anéantissement. Mais
comme l'écrivait Henri Michaux, « La nuit remue », et
voici qu'alors elle se donne à lire comme une page obscure traversée
de signes lumineux, d'étoiles, de griffures comme autant de mots
étouffés qui se soustraient au sens mais aspirent à une autre
lisibilité.
Dans
ses dessins, Alain Amiel dresse cette cartographie de l'incertitude
et des rêves. On y devine cet acharnement à déchiffrer ces
territoires de l'art dans l'épaisseur de leur mystère quand ils
convoquent l'ombre tutélaire de Duchamp, Matisse, Giacometti et de tant d'autres
avec, bien sûr, la figure de Van Gogh omniprésente dans son travail.
L'écrivain et le dessinateur
réactivent le miracle de Van Gogh, mais de l'autre coté du miroir.
Comme le psychanalyste, il sonde le négatif de son œuvre, cette
transmutation d’une obscurité intérieure en une lumière folle,
éruptive, qui bouleverse jusqu'aux racines de notre vision et de nos
croyances. Qu'on se rappelle les premières œuvres du peintre et ces
natures morte engluées dans l'ocre éteint des natures mortes. Puis les autres prises dans la folie incendiaire de la matière colorée.
Dans
un strict noir et blanc, les dessins d'Alain Amiel font danser les
étoiles dans une cérémonie initiatique. Les racines hantent le ciel. Tout est creusé, découpé
dans la masse d'une nuit d'où surgissent les spectres d'une histoire
ancienne qui murmurent notre présent. N'y subsistent que le rythme
et la pulsation du monde. On y pressent les rudiments d'une
grammaire primitive, fondamentale, que seul l'art pourrait dévoiler.
Aussi le dessin devient-il, dans sa nudité brute, sans traits, par
le seul conflit du noir et du blanc, cet espace qui fait parler la
nuit, en révèle ce souffle vertigineux qui proclame ce que nous
sommes.
Librairie-galerie Laure Matarasso, Nice
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