jeudi 16 janvier 2020

Alain Amiel, "Starry days"



A l’inverse d'un espace, la nuit n'est que feu et lumière recroquevillés sur elle-même, jusqu'à leur anéantissement. Mais comme l'écrivait Henri Michaux, « La nuit remue », et voici qu'alors elle se donne à lire comme une page obscure traversée de signes lumineux, d'étoiles, de griffures comme autant de mots étouffés qui se soustraient au sens mais aspirent à une autre lisibilité.
Dans ses dessins, Alain Amiel dresse cette cartographie de l'incertitude et des rêves. On y devine cet acharnement à déchiffrer ces territoires de l'art dans l'épaisseur de leur mystère quand ils convoquent l'ombre tutélaire de Duchamp, Matisse, Giacometti  et de tant d'autres avec, bien sûr, la figure de Van Gogh omniprésente dans son travail.
L'écrivain et le dessinateur réactivent le miracle de Van Gogh, mais de l'autre coté du miroir. Comme le psychanalyste, il sonde le négatif de son œuvre, cette transmutation d’une obscurité intérieure en une lumière folle, éruptive, qui bouleverse jusqu'aux racines de notre vision et de nos croyances. Qu'on se rappelle les premières œuvres du peintre et ces natures morte engluées dans l'ocre éteint des natures mortes. Puis les autres prises dans la folie incendiaire de la matière colorée.
Dans un strict noir et blanc, les dessins d'Alain Amiel font danser les étoiles dans une cérémonie initiatique. Les racines hantent le ciel. Tout est creusé, découpé dans la masse d'une nuit d'où surgissent les spectres d'une histoire ancienne qui murmurent notre présent. N'y subsistent que le rythme et la pulsation du monde. On y pressent les rudiments d'une grammaire primitive, fondamentale, que seul l'art pourrait dévoiler. Aussi le dessin devient-il, dans sa nudité brute, sans traits, par le seul conflit du noir et du blanc, cet espace qui fait parler la nuit, en révèle ce souffle vertigineux qui proclame ce que nous sommes.

Librairie-galerie Laure Matarasso, Nice



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