lundi 30 décembre 2019

Firenze Lai, « L’équilibre des blancs »




Musée d'Art Moderne et Contemporain de Saint-Etienne
Jusqu'au 17 mai 2020

Souvent la ligne du dessin suffit à simuler l'idée d'un  envol, d'une liberté acquise sur le réel. Elle s'associe alors à la légèreté d'un fil qui enroberait les formes pour en saisir et en traduire l'essence ou la transparence. Pourtant, il arrive au contraire que même les courbes dessinées peuvent se charger d'une pesanteur telle qu'elle apporte à l’œuvre cette épaisseur troublante qui déjà nous fascine. Née en 1984 à Hong Kong, Firenze Lai dessine, grave ou peint ces lignes, souvent épaisses, toujours saisies dans une couleur éteinte, qui définissent plus l'empreinte des corps que la réalité des hommes. Plus précisément, ceux-ci paraissent déjà déterminés par leur environnement social, leur conditionnement lié à l'organisation de l'espace dans lesquels ils évoluent ou se ploient.
L'artiste illustre cette emprise universelle qui efface les individualités désormais soumises aux groupes comme aux objets du quotidien. Elle peint ces attitudes qui parlent de l'oppression politique ou sociale et de l'anonymat des solitudes. Elle inscrit sur des fonds neutres ces lignes de force qui sont celles d'une route ou d'un métro qui saisissent quiconque s'y aventure. Ou bien les formes floutées d'une chaise ou d'un banc qui définissent la trace de tout individu en amont de sa biographie ou de sa psychologie. Les personnages sont sans visage, ils errent dans un quotidien étouffant, une atmosphère sale à mi-chemin entre les univers de Bacon et de Munch. Le monde de Firenze Lai est celui d'un délitement de l'humain, de l'indifférenciation. Il est la scène d'une disparition. Le vide se dépeint dans toute son épaisseur tragique.
Pour représenter ce monde, il convient donc, à l'instar du photographe, de régler « l’équilibre des blancs » comme le stipule le titre de l'exposition. Il faut alors, à partir d'un blanc neutre, réguler la gamme des couleurs. L'artiste s'y emploie dans des tonalités sourdes à la mesure des ombres qu'elles convoquent ou des formes desséchées qui hantent l'espace. Elle raconte la tragédie d'une humanité mourante et aveugle, errant dans le vide de tout ce qu'elle a amassé. Plus de 70 œuvres définissent cette extinction d'une vie sans nerfs et sans âme. Les peintures austères, mais toujours chargées d'une dramaturgie intense, diffusent un cri qui déchire la nuit pour, peut-être, la promesse d'une autre lumière. L’œuvre de Firenze Lai nous tend ce miroir implacable de ce que nous sommes, elle nous alerte sur ce que nous ne percevons même plus. L'art est ici un révélateur.








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