Céline Marin
La tonalité et le
concept d'une exposition se dévoilent souvent par son titre. De même
que sa scénographie, d'autant plus lorsque celle-ci se confie au
cadre très particulier de la Maison abandonnée (Villa Cameline). Ce
titre donc, «Un cabinet » atomique» décrit en lui-même
ce que les salles précieusement défraîchies d'une maison surannée
nous proposent: il porte en lui l’indéfini du déterminant de ce
nom qu'il désigne. Car ce «cabinet » est bien, dans
sa désuétude, un monde oublié mais aussi ce lieu où un
émiettement de sens se produirait au terme d'une déflagration. A
moins que sa polysémie ne renvoie aussi à ces aréopages de
spécialistes de domaines variés, tous concentrés sur une même
tâche. Car cette exposition ambitionne de briser les cadres, de
rassembler des artistes, des scientifiques ou des écrivains pour
jouer des interférences, voire des débordements, qui se formulent
quand les propos des uns se confrontent aux propositions plastiques
des autres. On songe alors à l’extraordinaire contemporanéité de
Shakespeare écrivant dans Hamlet, « Il suffit d'un atome pour
troubler l’œil et l'esprit. » Atome au sens des
matérialistes grecs comme dans celui de la menace apocalyptique du
monde nucléarisé, il y a sans doute tout cela dans cette
exposition.
Les peintures de Jean-Simon Raclot sont rongées par des couleurs
flasques qui sont des lichens étouffant le paysage. Quant à Arnaud
Rolland, il peint l'atome dans son angoissante frontalité selon les
codes de la peinture classique comme si le temps s'était aliéné à
l'horizon de la catastrophe finale. Anne Favrez et Patrick Manez nous
proposent l'image d'un « paysage résiduel », image nue
du chaos quand Céline Marin dessine les décombres hallucinés de
nos jeux et de nos rêves, le jour après...
Impossible d’établir une synthèse pour ces contributions de
cette trentaine d'artistes, musiciens, médecins, architectes,
ingénieurs et autres qui, chacun, apporte son regard, son
interprétation et, parfois, une vision plus positive par le recours
à la science. Car l'intérêt d'une telle exposition, c'est aussi de
nourrir un débat dans un autre contexte que celui du champ
médiatique ou politique. Il s'agit alors de subvertir la simple
argumentation par le choc de la rationalité et de l'imaginaire. Et
de montrer comment ces flux d'idées et d'images, de matières et de
mots, produisent aussi bien des déconstructions que des
potentialités de formes. Les images de science-fiction sont toujours
les figures d'un pressentiment. A nous de les faire mentir en
saisissant ces œuvres comme un travail sur l'image et sur l'avenir
qu'elle porte. Leur seule rédemption serait de déchirer le voile du
malheur en réconciliant, pour reprendre les mots de Shakespeare,
« l’œil et l'esprit ».
La Strada, N°300
La Strada, N°300
Avec
Sophie Braganti - écrivain (Nice) • Eric Caligaris - musicien
(Nice) • Clémentine Carsberg - artiste (Marseille) • Baptiste
César - artiste (Paris) • Thomas Clapier - ingénieur (Nice) •
Peter Cusack - musicien, membre du CRiSAP (Creative Research in Sound
Arts Practice, Londres) • Anne Favret et Patrick Manez -
photographes (Nice) • François Fincker - médecin, médecine
nucléaire (Nice) • Eric Laurin - directeur artistique aux éditions
Lombard (Nice - Bruxelles) • Antoine Loudot - artiste (Monaco) •
François Remion - architecte (Nice) • Céline Marin - artiste
(Nice) • Olivier Marro - journaliste, critique art & cinéma
(Nice) • Aurélien Mauplot - artiste (Saint-Frion) • Jürgen
Nefzger - photographe (Paris - Nice) • Tadashi Ono - photographe
(Tokyo - Arles) • Sidonie Osborne Staples - artiste (Strasbourg -
Lille) • Maxime Parodi - artiste (Nice) • Jean-Simon Raclot -
artiste (Nice) • Arnaud Rolland - artiste (Berlin) et la
participation d'Ernest Pignon Ernest (Paris - Nice
)
Villa Camenine, Nice, jusqu'au 28 octobre
Jean-Simon Raclot
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