jeudi 27 septembre 2018

L'oeuvre d'Yves Hayat à Grasse et Draguignan


                       

    Dans « La part maudite », Georges Bataille affirmait qu’en parallèle à l'activité humaine consacrée à la conservation de la vie et à la continuation de l'activité productive, il existait « une seconde part représentée par les dépenses improductives, le luxe, les deuils, les guerres. » A cette sphère il faudrait adjoindre l'art et c'est aussi de cela que traite l’œuvre d'Yves Hayat.
                       Les deux expositions qu'il présente simultanément à Grasse et à Draguignan  révèlent ces deux versants -luxe et guerre- auxquels l'art confère une forme particulière. Dans la crypte de la Cathédrale de Grasse, l'artiste s'empare de la peinture classique et de sa relation au religieux pour marquer son décalage mais aussi son ancrage avec le monde contemporain par le biais de la violence et de la guerre. Dans la Chapelle de l'Observance de Draguignan, son œuvre est liée à l'industrie du luxe. Mais elle s'inscrit dans l'écriture d'un même champ étymologique où luxe, luxure et lucre  se mêlent; elle se formule dans cet espace dans lequel aucune morale n'a prise, sur ce terrain vague où les mauvaises herbes côtoient les plus belles fleurs. Il revient alors à l'artiste de lui donner forme en maniant cette glaise où la beauté se conjugue à l'horreur, là où l'humanité semble à jamais absente. Guerre et violence ne cessent de hanter aussi ce monde-là. Georges Bataille associait la dépense au sacrifice quand Hayat en restitue l'image « luxuriante » mais comme sur du papier glacé: Image de cette collision tragique entre la beauté formelle, l'argent dont elle n'est pas indemne, et les catastrophes humaines qui en découlent.
                   Yves Hayat vient de la publicité, c'est à dire de la « séduction » qui, étymologie encore, nous conduit "hors du chemin"... Mais l'art ne se soucie guère de cette morale là quand il porte la prémonition de nouveaux chemins en friche comme des territoires à conquérir pour un monde meilleur. Encore faut-il exhiber les stigmates de tous ces objets liés au désir, à la mode, à l'accumulation somptuaire et à ce qui peut en résulter comme horreur.
                          Hayat travaille à partir de photographies de l'industrie du luxe qu'il associe à celles de la guerre et des ruines. L'artiste maîtrise tous les codes de la publicité, ceux d'un message simple s'appuyant sur un langage de masse et la perfection du support. Mais ici l'objet de luxe est taraudé par l'idée de luxure ; il est poussé dans ses retranchements, déformé, acculé à l'extrême de son possible jusqu'à menacer de sombrer sur le versant de la cruauté. Sous la peau séduisante des images, un enfer nous menace.

La Strada N°301

Crypte de la cathédrale de Grasse jusqu'au 15 novembre

Chapelle de l'Observance à Draguignan jusqu'au 8 décembre





Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire