vendredi 8 mars 2019

Pauline Brun - Rémi Groussin, "Shooter"

La Station, Nice, jusqu'au20 avril 2019



Scène d'interaction de deux artistes, « Shooter » est le produit de leur résidence durant quatre mois à La Station. Chacun d'eux se mesure à un même espace pour l'investir de sa propre pratique et le transformer en résonance à la proposition de l'autre. Rémi Groussin déjoue les conventions du spectacle en prélevant dans notre quotidien des signes dépourvus de leur fonction initiale. Les objets sont ainsi réduits aux seuls indicateurs de ce qu'ils furent et traduisent ainsi leur perte de sens. L'artiste, revenant aux geste de l'artisan, dépouille ici les codes marchands de l'enseigne lumineuse pour en restituer la matérialité. Se limitant à la forme minimale d'une paire de lunettes, deux cercles et une barre, il pratique cette autopsie pour mettre en relation le pictogramme publicitaire dans son projet et ce qu'il en advient quand on en exhibe ses éléments constitutifs. Ce sont alors les notions d'atelier et d'espace d'exposition qui prennent sens par la distorsion qu'elles induisent vis à vis de leur contexte d'origine. Le logo s’essouffle alors au rythme des dysfonctionnements. Fils et accroches désignent misérablement leur arrachement à la vie et la lumière des néons ne témoigne plus que des symptômes de leur extinction.
Pourtant cette mise en scène des ruines d'un hors champ est conduite de manière burlesque et c'est aussi sur ce registre de la déconstruction et de l'ironie qu'intervient Pauline Brun. Celle-ci intègre dans un même espace clos l'artifice d'un atelier aux vitres sans tain, avec la simulation d'une porte, et quelques autres éléments - faux bras, têtes outrancièrement transformées - qui deviendront les accessoires de ses performances. L'artiste souligne aussi un effet de découplement en mettant en relation la performance actuelle et celles qui les ont précédées par une projection sur un écran occupant tout le fond de l'atelier. De la même façon, les traces de l'événement resteront ultérieurement sur le lieu et s'intégreront au processus. Cette distorsion accentue le grotesque des situations quand, entièrement revêtue d'une combinaison blanche et jouant de prothèses grotesques, Pauline Brun se livre à des contorsions qui figurent la déshumanisation du corps réduit à une forme mouvante et improbable quand il se fond dans l'espace. Ce personnage c'est « Scruffy » donc « miteux », « débraillé », comme métaphore de cette vie sortie des rails. Son ridicule ou sa solitude sont mis en musique par un « gnagnagna » lancinant comme une mélopée folle et triste pour un cérémonial déroutant où, chacun pourtant pourra peut-être se retrouver ou se découvrir. Ou rire ou pleurer.

La Station à Nice est une association active depuis 1996. Elle offre un soutien aux formes expérimentales de l'art actuel. Installée depuis 2009 sur le site des anciens abattoirs aujourd'hui dévolus à la création culturelle, le 109, La Station a présenté 42 expositions intra-muros et 24 expositions extra-muros. Elle accueille 2 résidences temporaires chaque année.


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