mercredi 19 janvier 2022

"Souffler de son souffle"

 

Fondation Van Gogh, Arles

Jusqu'au 5 mai 2022

Vivian Springford

Tout se développe ici à partir de l’œuvre de Van Gogh et plus précisément d’un petit format illustrant le vol d’un papillon de nuit saisi dans la gangue terreuse d’un environnement étouffant. L’air est absent et toute respiration est contredite par des ocres cernés de lignes sombres. C’est pourtant dans une lettre adressée à Émile Bernard en 1888 que Van Gogh écrit: «Le fait est que nous sommes des peintres dans la vie réelle et qu’il s’agit de souffler de son souffle tant qu’on a le souffle». Par sa qualité et sa densité, l’air dans la tradition picturale se confond souvent au ciel et au spirituel. Le «souffle de vie» réunit alors le corps physique à l’image du souffle divin. Pourtant l’art n’a cessé de décliner l’immatérialité du souffle comme si celui-ci agissait en amont de la représentation, qu’il se confondait avec l’idéal d’une abstraction absolue sans toutefois s’absorber dans le vide.

Le souffle ou son corollaire, l’essoufflement, comment les traduire ailleurs que dans ce ciel métaphysique ou de celui balayé par les vents? Comment saisir son énergie et sa relation au corps? Pour cette exposition, vingt-cinq artistes nous entraînent dans un parcours transhistorique au travers duquel les propositions se croisent comme autant de possibilités d’exprimer les contours d’un concept aussi impalpable. Une vidéo de Marina Abramovic & Ulay les montre dans un plan resserré et presque fixe échangeant durant 15 minutes l’image d’un baiser douloureux quand l’un absorbe le souffle de l’autre qui le rejette en lui renvoyant le sien. C’est pourtant à travers la peinture que s’exprime le plus souvent l’idée de souffle quand une série de toiles de Vivian Spingford en traduit son impact à l’image d’une bouche. Ou bien lorsque Hartung en dépose les traces artificielles par le biais d’une soufflerie. Mais la saturation de l’espace dans les tableaux de Wols traduisent au contraire une menace d’asphyxie quand l’expression de la vie se contracte dans la matière colorée qui l’absorbe. D’une œuvre à l’autre les voix rebondissent pour des ébauches de récit ou un silence inquiet. Giussepe Penone suggère la délicatesse d’une nature emportée par le frémissement d’un feuillage tandis que Rebecca Horn déploie le rythme lent d’une couronne de plumes blanches pour traduire la légèreté de l’air.

Le souffle serait alors cet immatériel lié aux mouvements imperceptibles de la nature et, hommage à Van Gogh, Frank Bowling présente deux tableaux quand « un tournesol à bout de souffle semble s’être posé sur la toile ».

Oeuvres de Marina Abramovic & Ulay, Vitto Acconci, Jean-Marie Appriou, Carlotta Bailly-Borg, Franck Bowling, Tracey Emin, Markus Döbeli, Hans Haacke, Francis Hallé, Hans Hartung, Hokusai, Rebecca Horn, Asger Jorn, Jutta Koether, Piero Manzoni, Kristin Oppenheim, Giuseppe Penone, Joyce Pensato, Vivian Springford, Vivian Suter, Andra Ursuta, Chloé Vanderstraeten, Vincent Van Gogh, Gil J Wolman, Wols




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