Musée
moderne et contemporain de Saint-Etienne
Jusqu'au
17 mai 2020
Grimaçante, l’œuvre
d'Alexandre Léger déchire de son ton goguenard les illusions du
monde qui sont celles aussi de sa représentation. Et les adjectifs
et les mots, comme les images qui le disent, restent sans issue quand
tout est joué d'avance, qu'il ne s'agit plus que de dresser le
constat d'une catastrophe. Dans cette vision eschatologique, il ne
faut que prélever les déchets d'un monde sans fleurs et sans
pleurs, dans la stricte froideur du regard de l’entomologiste.
Nous, les insectes, sommes dépecés, observés, déposés tels des
échantillons pour une coupe histologique. Et les mots de ces
insectes-là restent cloués dans l' absurdité d'un monde déjà
disparu alors que nous ne le savions pas encore et qu'il ne reste
plus alors qu'à en rire, par antiphrase, dans ce titre :
« Hélas, rien ne dure jamais pour toujours. »
Lauréat
de la 9e édition du Prix des Partenaires du Musée de Saint-Étienne,
Alexandre Léger établit un bilan sans concession de ce que nous
sommes. Pour ce faire, il utilise les planches d'anatomie de ses
études de médecine, les vieux papiers d'écolier et les vagues du
passé qui déferlent sur un monde sans avenir. Tout s'accumule et se
disloque en même temps. Mots échoués sur la page et corsetés dans
la grille d'un mot croisé, fragments de corps écorchés et rieurs,
dentitions ricanantes, découpes en lamelles des visages et des
phrases comme autant de débris ostentatoires d'une solitude et d'un
vide. Pourtant tout se dit avec lucidité, sans pathos, comme si le
constat n'avait plus d'importance et qu'il ne s'agissait désormais que d'anticiper un après, d'en définir les contours.
Alors des signes nouveaux se recomposent, l'ébauche d'une autre
géométrie germe dans les nœuds du cri et, peut-être, au loin d'un
soleil fané, une faible lumière ose-t-elle de nouveaux contours.
L’œuvre
est drôle, sarcastique et se lit comme un catalogue de nos espoirs
déçus et de nos rêves qui pourtant les désirent encore. Le dessin
esquisse une danse lugubre avec les mots dans une couleur froide et
il en résulte une poésie grinçante, un foisonnement d'images, une
collection merveilleuse de tout et de rien. Tel est le monde d'Alexandre
Léger : le miroir détruit de nos espérances et le reflet de
ce que nous espérons encore.
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