lundi 9 décembre 2019

Alexandre Léger, « Hélas, rien ne dure jamais pour toujours »


Musée moderne et contemporain de Saint-Etienne
Jusqu'au 17 mai 2020

Grimaçante, l’œuvre d'Alexandre Léger déchire de son ton goguenard les illusions du monde qui sont celles aussi de sa représentation. Et les adjectifs et les mots, comme les images qui le disent, restent sans issue quand tout est joué d'avance, qu'il ne s'agit plus que de dresser le constat d'une catastrophe. Dans cette vision eschatologique, il ne faut que prélever les déchets d'un monde sans fleurs et sans pleurs, dans la stricte froideur du regard de l’entomologiste. Nous, les insectes, sommes dépecés, observés, déposés tels des échantillons pour une coupe histologique. Et les mots de ces insectes-là restent cloués dans l' absurdité d'un monde déjà disparu alors que nous ne le savions pas encore et qu'il ne reste plus alors qu'à en rire, par antiphrase, dans ce titre : « Hélas, rien ne dure jamais pour toujours. »
Lauréat de la 9e édition du Prix des Partenaires du Musée de Saint-Étienne, Alexandre Léger établit un bilan sans concession de ce que nous sommes. Pour ce faire, il utilise les planches d'anatomie de ses études de médecine, les vieux papiers d'écolier et les vagues du passé qui déferlent sur un monde sans avenir. Tout s'accumule et se disloque en même temps. Mots échoués sur la page et corsetés dans la grille d'un mot croisé, fragments de corps écorchés et rieurs, dentitions ricanantes, découpes en lamelles des visages et des phrases comme autant de débris ostentatoires d'une solitude et d'un vide. Pourtant tout se dit avec lucidité, sans pathos, comme si le constat n'avait plus d'importance et qu'il ne s'agissait désormais que d'anticiper un après, d'en définir les contours. Alors des signes nouveaux se recomposent, l'ébauche d'une autre géométrie germe dans les nœuds du cri et, peut-être, au loin d'un soleil fané, une faible lumière ose-t-elle de nouveaux contours.
L’œuvre est drôle, sarcastique et se lit comme un catalogue de nos espoirs déçus et de nos rêves qui pourtant les désirent encore. Le dessin esquisse une danse lugubre avec les mots dans une couleur froide et il en résulte une poésie grinçante, un foisonnement d'images, une collection merveilleuse de tout et de rien. Tel est le monde d'Alexandre Léger : le miroir détruit de nos espérances et le reflet de ce que nous espérons encore.




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