lundi 2 décembre 2019

« Entrer dans l’œuvre : actions et processus dans l'Arte Povera »




Un art pauvre ne saurait supporter le poids de la peinture, de son histoire comme de son apparat. Pourtant dans cette vaste exposition du MAMC de Saint-Etienne, on remarquera une toile, une seule, qui par son format et le lyrisme de son abstraction s'inscrit dans la mouvance d'une époque. Cette toile de Kounellis datée de 1972, ruisselante de couleur, montre pourtant des notes d'un ballet de Stavinsky. La peinture sort alors de son cadre pour devenir la partition à partir de laquelle une ballerine fait des pas de danse accompagnée d'un violoniste. Pour l'Arte Povera, l'art ne doit pas seulement se réduire à la modestie des matériaux, il doit être une action dans un environnement social.
Ce mouvement italien illustré ici par une quinzaine d'artistes éclot dans les alentours de 1968 et conteste les valeurs traditionnelles de l'art. A l'instar du « théâtre pauvre » de Jerzy Grotowski, il s'agit aussi d'inscrire la présence du corps, de privilégier les expériences collaboratives plutôt que de s'adonner à la seule contemplation de l’œuvre. Cette volonté d'objectiviser l'action est au cœur du parcours initié par le commissaire de l'exposition, Alexandre Quoi.
L'extrême diversité des œuvres illustre la vitalité de ce mouvement. Des photographies et des documents témoignent de l'importance accordée à l'expérimentation et aux phénomènes sensoriels. Une « Lampada annuale » de Boetti joue de l'interaction d'un temps subjectif et d'un temps objectif. Giulio Paolini dans son installation « Apothéose d'Homère » se réfère à une toile d'Ingres qu'il reconstruit en substituant aux personnages des livrets avec des photos d'acteurs posés sur des pupitres. Il s'agit alors d'impliquer le spectateur comme dans un happening du Living Theater mais l'action doit ici se matérialiser dans des objets. Par exemple, Mario Merz propose un igloo tout en transparence et en matériaux légers avec des chiffres de néon. L’œuvre est une invitation au corps, une méditation sur sa relation au temps et à l'espace. Luciano Fabro invite d'ailleurs le spectateur à pénétrer dans un cube de tissus pour mesurer la résonance d'un espace intérieur par rapport à l'extérieur dont il subit les sons et la lumière filtrée par le tissus. A la même époque, en France, se développe le mouvement Supports/ Surfaces et l'exposition s'attache aussi à mettre en relation les préoccupations de ce groupe avec les acteurs de l'Arte Povera. Des œuvres de Daniel Dezeuze ou de Claude Viallat s'inscrivent également dans la pauvreté du matériau et dans le dépassement de la peinture ou de la sculpture. L'exposition témoigne non seulement de la vitalité d'une époque mais aussi de ce qu'elle a pu apporter à la création de jeunes artistes d'aujourd'hui.

Une centaine d’œuvres de Giovanni Anselmo, Alighiéro Boetti, Pier Paolo Calzolari, Luciano Fabro, Jannis Kounellis, Eliseo Mattiacci, Mario Merz, Mariza Merz, Giulio Paolini, Pino Pascali, Giussepe Penone, Michelangelo Pistoletto, Emilio Prini, Gilberto Zorio.

Musée d'art moderne et contemporain - Saint Etienne
Jusqu'au 3 mai 2020


                      Oeuvres de Mario Merz
                  

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire