Un art pauvre ne saurait
supporter le poids de la peinture, de son histoire comme de son
apparat. Pourtant dans cette vaste exposition du MAMC de
Saint-Etienne, on remarquera une toile, une seule, qui par son format
et le lyrisme de son abstraction s'inscrit dans la mouvance d'une
époque. Cette toile de Kounellis datée de 1972, ruisselante de
couleur, montre pourtant des notes d'un ballet de Stavinsky. La
peinture sort alors de son cadre pour devenir la partition à partir
de laquelle une ballerine fait des pas de danse accompagnée d'un
violoniste. Pour l'Arte Povera, l'art ne doit pas seulement se
réduire à la modestie des matériaux, il doit être une action dans
un environnement social.
Ce
mouvement italien illustré ici par une quinzaine d'artistes éclot
dans les alentours de 1968 et conteste les valeurs traditionnelles de
l'art. A l'instar du « théâtre pauvre » de Jerzy
Grotowski, il s'agit aussi d'inscrire la présence du corps, de
privilégier les expériences collaboratives plutôt que de s'adonner
à la seule contemplation de l’œuvre. Cette volonté
d'objectiviser l'action est au cœur du parcours initié par le
commissaire de l'exposition, Alexandre Quoi.
L'extrême diversité des œuvres
illustre la vitalité de ce mouvement. Des photographies et des
documents témoignent de l'importance accordée à l'expérimentation
et aux phénomènes sensoriels. Une « Lampada annuale »
de Boetti joue de l'interaction d'un temps subjectif et d'un temps
objectif. Giulio Paolini dans son installation « Apothéose
d'Homère » se réfère à une toile d'Ingres qu'il reconstruit
en substituant aux personnages des livrets avec des photos d'acteurs
posés sur des pupitres. Il s'agit alors d'impliquer le spectateur
comme dans un happening du Living Theater mais l'action doit ici se
matérialiser dans des objets. Par exemple, Mario Merz propose un
igloo tout en transparence et en matériaux légers avec des
chiffres de néon. L’œuvre est une invitation au corps, une
méditation sur sa relation au temps et à l'espace. Luciano Fabro
invite d'ailleurs le spectateur à pénétrer dans un cube de tissus
pour mesurer la résonance d'un espace intérieur par rapport à
l'extérieur dont il subit les sons et la lumière filtrée par le
tissus. A la même époque, en France, se développe le mouvement
Supports/ Surfaces et l'exposition s'attache aussi à mettre en
relation les préoccupations de ce groupe avec les acteurs de l'Arte
Povera. Des œuvres de Daniel Dezeuze ou de Claude Viallat
s'inscrivent également dans la pauvreté du matériau et dans le
dépassement de la peinture ou de la sculpture. L'exposition témoigne
non seulement de la vitalité d'une époque mais aussi de ce qu'elle
a pu apporter à la création de jeunes artistes d'aujourd'hui.
Une
centaine d’œuvres de Giovanni Anselmo, Alighiéro Boetti, Pier
Paolo Calzolari, Luciano Fabro, Jannis Kounellis, Eliseo Mattiacci,
Mario Merz, Mariza Merz, Giulio Paolini, Pino Pascali, Giussepe
Penone, Michelangelo Pistoletto, Emilio Prini, Gilberto Zorio.
Musée d'art moderne et contemporain - Saint Etienne
Jusqu'au 3 mai 2020
Oeuvres de Mario Merz
Musée d'art moderne et contemporain - Saint Etienne
Jusqu'au 3 mai 2020
Oeuvres de Mario Merz
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