Avant que le regard ne s'en
empare, la peinture est une action, la traduction brute d'un geste.
Aussi lorsqu'il peint, Gérard Serée sculpte un espace, en extrait
les scories qui d'elles-mêmes prennent vie de façon organique,
prolifèrent, se métamorphosent en signes. Lorsqu'il sculpte, la
peinture revient dans le volume, la couleur imprègne les plis, les
creux se gorgent de lumière et les masses parlent d'une ombre
défaite par la seule force de la main.
Peinture et sculpture entament
leur danse rituelle, inaugurent des entrelacs, balbutient le geste
archaïque qui fut celui de l'art pariétal. Des courbes se déplient
dans l'espace, une épaisseur se déploie dans le souvenir du vide.
Et Gérard Serée traque l'évidence d'un signe originel pétri dans
la matière. Il en exprime le souffle avant qu'un langage ne se
formule. La peinture est un ventre, elle délivre ses secrétions,
ses palpitations, elle préfigure déjà un destin, la construction
d'un mot et d'un regard. Il faut la lire dans sa violence intérieure,
dans cette course folle des atomes pour donner existence au monde.
L'artiste fouille le rythme tapi au cœur de la matière vivante, sa
force tellurique, ses convulsions, ses projections de lave, ses
contractions nerveuses jusqu'à ce que la toile ou la sculpture
deviennent le lieu d'un apaisement.
L’œuvre achevée est cet
état de grâce quand les signes se délivrent à l'orée du sens.
Qui saura les écouter, entendra les flux et reflux du vivant. Il se
bercera de ces ondulations, de ces modulations lointaines d'où
naîtront les germes d'un récit. Ici la peinture ne se confond pas à
l'abstraction, elle est préfigurative.
Atelier du Port, 7 ter rue Emmanuel Philibert,
Jusqu'au 17 janvier 2020