jeudi 31 octobre 2019

Gustave Courbet et Yan Pei-Ming, « Corps à corps »





Le réalisme à l’œuvre.

Six générations les séparent mais dans ce « corps à corps », Yan Pei-Ming se mesure à son aîné par un raccourci brutal dans le temps pour raviver la peinture de Courbet, non pour l'actualiser mais plutôt pour en extraire cette puissance que l'on jugea souvent scandaleuse.
Il fut le peintre du quotidien et des petites gens qu'il éleva à un rang héroïque et la peinture d'histoire s’effrita alors pour s'ouvrir à des compositions réalistes avec de vrais paysages, des animaux, une réelle sensualité et une parfaite humanité. On ne peut travailler dans l'ombre de Courbet : il faut un face à face pour revitaliser sa matière, faire revivre ses personnages et c'est, en quelque sorte, les yeux dans les yeux que l'artiste franco-chinois s'installa dans l'atelier du maître. Le portrait de Courbet qu'il réalise alors en est la parfaite métaphore.
Il en conçut une quinzaine de toiles monumentales qui répondent à dix œuvres majeures de Courbet. présentes dans les collections du Petit Palais. A la biographie du maître, il superpose ses propres souvenirs et, au lieu du paysage franc comtois, il oppose sa Chine originelle. De cette confrontation du temps et de l'espace, la violence est de mise. Les toiles autobiographiques de Yan Pei-Ming, tout en grisaille et dans un noir et blanc expressionniste à la lisière de l'abstraction, dénudent la peinture de Courbet, dévoilent son extraordinaire puissance. Le passé de Yan Pei-Ming, ses souvenirs, son quotidien reviennent comme de vieilles photographies dans un contexte chinois empreintes d'une profonde humanité. A l' « Enterrement à Ornans », il répond par des peintures évoquant les obsèques de sa propre mère.
Un contact physique se noue entre les deux artistes. Une même virulence les anime pour faire surgir de l'image la vie réelle, pour interpeller le monde, se heurter au destin, creuser des sillons pour l'avenir. La vie quotidienne pour chacun d'eux est une révélation pour peu qu'on sache la peindre. Et c'est dans une matière tourmentée, presque sauvage, que Yan Pei-Ming parvient à parler la peinture de Courbet, non pour la commenter mais pour assurer la vitalité d'un engagement, assumer un héritage dont il faut être digne. Assurément la dignité fut le mot que Courbet eût aimé. Avec une réelle franchise, les univers des deux peintres s'observent sans concession et l'art se déploie dans toute sa force.

Petit Palais, Paris

Jusqu'au 19 janvier 2020


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