mardi 29 octobre 2019

Palais de Tokyo, "Futur, ancien, fugitif. Une scène française"



Nina Childress

« Futur, ancien, fugitif. Une scène française ». Le titre d'une exposition aura rarement autant présidé à l'orchestration des œuvres présentées. Très diverses dans leurs formes comme dans ce qu'elles diffusent, celles-ci établissent un état des lieux selon le regard d'une quarantaine d'artistes français nés entre 1930 et 1990. Chacun d'eux dispose désormais de sa propre histoire par l'esprit de l’œuvre qu'il s'est forgée mais ce passé détient surtout les clés d'un futur et ce n'est pas le moindre mérite de cette exposition que de nous permettre de l'appréhender et d'en subodorer déjà les prochains développements possibles. Car tout est hasardeux, éphémère, « fugitif » et l'artiste n'est que l'élément d'une scène toujours en construction quand œuvres et créateurs s'interrogent et se répondent mutuellement dans des jeux d'attirances ou d'oppositions grâce auxquels vibrent toutes les cordes du vivant.
Parce que tous ces artistes sont restés atypiques, hors des modes et agissent sous les radars qui auraient pu consacrer leur célébrité, cette riche exposition du Palais de Tokyo permet de proposer, plus qu'un bilan, une nouvelle lecture de l'activité artistique en France de la deuxième moitié du XXe siècle jusqu'à aujourd'hui. Loin des grands mouvements qui ont pu structurer la scène française, l'exposition retrace le parcours d'individualités fortes pour un récit qui s'inscrit dans l'épaisseur du temps, de ses strates, comme autant de possibilités pour défricher le présent, en proposer une autre visibilité. Il serait vain de chercher quelque analogie, par exemple, entre les fascinantes toiles de Nina Childress - par leur tension narrative et cette lumière folle qui désarticule les formes et les corps - et le travail d'Adrien Vescovi en relation avec l'histoire de la peinture, ses supports et les aléas de la nature et du temps sur la production de l’œuvre. D'un artiste à l'autre, sur des chemins parallèles, peinture ou teinture, les créations se croisent et tissent un réseau de fils pour traduire ce qui nous relie au monde pour, chaque fois, un regard nouveau ou la fulgurance d'une nouvelle hypothèse.
On se cogne à la froide absurdité du monde avec les portraits de Jean-Luc Blanc, on se raccroche à de folles cosmogonies avec les dessins et pastels de Corentin Grossman quand ce n'est pas Alain Séchas qui, par le biais du quotidien, déconstruit avec humour notre catalogue des idées reçues. Mais comment citer ici tous ces artistes qui jouent dans ce vaste concert, sa propre partition ? Donc il faut les voir, un par un, les penser chacun dans sa relation à l'autre et l'exposition restera alors, à coup sûr, l'une des plus passionnantes que le Palais de Tokyo nous aura proposée.

Palais de Tokyo, Paris, jusqu'au 5 janvier 2020


                  Jean-Luc Blanc

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