Paris,
jusqu'au 10 novembre
Fabrice Hyber
Ils sont vivants, ils nous parlent, ils nous
interpellent. Les arbres sont aussi l'ombre de nous-mêmes, enracinés
dans la terre, la tête dressée contre le ciel. La nature, les
artistes l'ont si souvent peinte mais voici que, dans l'espace de la
Fondation Cartier, elle traverse le miroir de la représentation pour
venir à nous, nous faire confidence de cette intimité qu'elle
dévoile par son intelligence propre et ses capacités sensorielles.
Philosophes, botanistes et artistes entament ici un dialogue fécond
avec les arbres, leur murmure, le frémissement d'un feuillage ou le
râle d'un tronc qu'on abat.
Au rez-de-chaussée, de vastes toiles de Fabrice
Hyber donnent le ton : La voix de l'arbre se fait entendre.
C'est lui qui répand son coloris, l'excroissance de ses formes
dont l'artiste extrait la sève ou les radicelles de ses nerfs. Il
imagine le rayonnement de son énergie, il en capte tous les indices
et pourtant c'est aussi cet arbre qui nous soumet à sa propre
représentation de nous-mêmes. L'arbre réalise ici une forme d'
autoportrait et nous y percevons une image de ce que nous sommes.
L'universalité du vivant, tel est le fil rouge de cette peinture qui
inaugure l'esprit de toute cette exposition.
Qu'ils soient perçus d'un point de vue scientifique,
écologique ou poétique, les arbres sont les héros d'une aventure
de laquelle nous ne sommes jamais absents. Chênes ou roseaux,
métaphores de nous-mêmes, ils nous renvoient à notre propre
diversité, à la multiplicité de nos visages et de nos cultures.
Mais en même temps, ils sont le signe de ce qui nous relie aux
autres et à l'univers. La force muette des arbres résonne ici dans
les œuvres réunies dans un même souci de faire éclore la voix du
botaniste mêlée à celle de l'artiste. On y rencontrera des
dizaines de créateurs de tous les continents. Dessins, vidéos,
photographies ou peintures illustrent une même volonté d'entrer
dans la peau de l'arbre, de le comprendre et de le protéger.
Poétique et politique se confondent ici comme les vastes
compositions de Johanna Calle ou les œuvres vidéo et sonores
de Paz Encina.
Le jardin reste bien sûr le lieu privilégié pour
cette rencontre avec l'arbre. Entre des souvenirs d'Agnès Varda
et une superbe sculpture en bronze de Giuseppe Penone,
le visiteur flâne dans ces lieux de rêverie et d'émerveillement
quand les œuvres d'art se déploient dans l'intimité de la nature.
Charles Gaines