lundi 23 septembre 2019

Mengzhi Zheng, « Là où les vents se caressent »



Chercher l’intrus.

D'emblée l’œuvre ne coïncide pas avec son environnement, elle n'est qu'un incident qui déjoue l'espace industriel des usines Fagor à Lyon. Dans l'immensité grise du béton et de son architecture utilitaire, Mengzhi Zheng déconstruit le lieu, il en écarte la masse pour enchâsser une structure aérienne par le seul défi de l’intrusion. Voici donc une ode au nomadisme, à la légèreté du volume, à la transparence, à la liberté. Ici l'air circule, tout s'élève en courbe et en douceur. La couleur coule, immatérielle. Elle glisse sur des arcades adossées au vide, les ailes au repos, et déploie avec grâce la nudité de ses lignes. C'est un peu comme si l'on avait délivré Le Corbusier de son enveloppe de béton, comme si un ouragan l'avait déchiquetée.
Car c'est bien d'architecture qu'il s'agit ici. Mais d'une architecture désossée, évidée, livrée au seul jeu de ses sinuosités rythmiques. Et aussi une construction délicate, précaire, encore à l'état de maquette, qui prend et retient son souffle, adossée au flanc de la lourde architecture de l'usine Fagor comme si l'artiste, pour construire, s'acharnait à épurer, arracher à la matière angles et arêtes pour exhiber la pureté du vide. L’œuvre se donne dans son dénuement somptueux, pareille à une yourte dénudée, s'offrant à la liberté de l'espace dans son simple appareil fait de feuilles de plexiglas teintées de lumière, d'articulations sinueuses, de cordelettes et de plastique. Elle se déplie et se déploie dans la promesse d'un envol.
« Là où les vents se caressent »... Le titre de l’œuvre répond par ironie à celui de la Biennale. A lui seul il énonce la sensualité d'un espace quand le vide s'y engouffre et qu'il n'en reste que les seuls fils du dessin. Car Mengzi Zheng, à l'instar des grands paysagistes chinois, dessine l'espace , avec des fibres de lumière et de brume. Il dessine le vent en recherchant le ciel. Tout ici n'est que modestie, miracle des matériaux pauvres pour célébrer l'immatérialité dont l'artiste est l'humble serviteur.

Usines Fabor, Biennale de Lyon, « Là où les eaux se mêlent »
Jusqu'au 5 janvier 2020

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