Jérémy
Gobé « Anthopocène » et Andrea Mastrovito « Le
monde est une invention sans futur »
Jusqu'au
5 janvier 2017
Parodiant
la phrase du précurseur du cinématographe, Louis Lumière, « Le
cinéma est une invention sans futur », l’artiste italien
Andrea Mastrovito nous propose une relecture du monde par le
biais d'un décalage assumé qui nous force à l'observer selon des
médiums et des normes contraires à leur fonction d'origine. C'est
ainsi que sur un sol de 110 m2 l'artiste dispose un ensemble réalisé
en marqueterie pour un patchwork de représentations de plans
mythiques du cinéma. Or ceux-ci reflètent ce qu'est notre monde –
images, ruines, espace désarticulé et temps insurrectionnel. Mais
l'artiste, à l'aise dans tous les registres, s'amuse à
contrebalancer cette œuvre sombre par une débauche de couleurs et
de formes pour un regard d'apparence naïve sur l'explosion de la vie
végétale et animale.
Mais cette nature saisie à l'extrême jusqu'à se
transformer en mythe est un moyen pour Mastrovito de nous alerter sur
les menaces qui pèsent sur elle. Cette nature fantasmée, idéale,
qu'il nous montre n'est que le fruit d'une accumulation de
découpages de livres et donc d'une transformation de la nature ou de
documents plastifiés. L'horizon post-humaniste serait-il donc
post-naturel, n'en resterait-il que l’illustration idéalisée d'un
univers déchu ? Et la splendeur d'un paysage ne serait-il que
la composition à post priori d'une extinction programmée ? Il
y a dans cette œuvre l’écho triste d'un paradis perdu mais aussi
le souffle salvateur d'un autre cheminement, d'un monde à refaire.
Et c'est sans doute ce qui est en jeu lors de cette Biennale de Lyon.
Dans la Fondation Bullukian, le travail de Mastrovito est présenté
en parallèle avec celui de Jérémy Godé, dans le jardin, si
différent dans la forme, mais qui résonne avec elle comme une coda
tant elle s'implique sur un même engagement mais par le biais de la
science et de l'industrie. Le commissariat de Fany Robin aboutit à
une exposition cohérente qui ouvre à la réflexion.
On
peut alors s'interroger, pour le reste de la Biennale, sur ce
commissariat collectif issu d'un même sérail du Palais Tokyo qui,
en dépit d’œuvres parfois saisissantes, a choisi des travaux
issus d'un consensus mou. Souvent elles semblent se parasiter, jouer
du gigantesque pour palier à un sens incertain si bien que le
meilleur côtoie le pire du recyclable et du déjà vu. Cette
Biennale, si elle reste passionnante, donne surtout l'envie de
suivre certains artistes qui, dans un cadre plus modeste,
diffuseraient une réflexion sensible et personnelle sur les enjeux
du monde d’aujourd’hui.
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