dimanche 22 septembre 2019

Minouk Lim, "Si tu me vois, je ne te vois plus."


Minouk Lim, La rivière sans retour.

C'est parfois son titre qui offre à une exposition son supplément d'âme. « Si tu me vois, je ne te vois plus » est ce je enlacé au tu dans une tragédie de l'absence, comme dans un miroir ou l'un et l'autre se répondent dans une identité inquiète ou quand la présence de l'un convoque le spectre de l'autre. Minouk Lim est coréenne. L’œuvre, ruisselante de poésie, évoque sa nation divisée, le regard absent qu'on porte sur le présent ou le chagrin de l'indifférence. Elle observe dans le prisme de ses installations les mutations de son pays, le poids du passé et la pesanteur d'un monde industriel livré à la menace écologique. Déjà présente au Centre Pompidou en 2017, son film New Town Ghost » évoquait le désarroi et l'errance d'une femme dans un paysage urbain en pleine mutation.
Dans une halle des Usines Fagor, un canal lumineux se fraie un chemin dans l'obscurité. On y devine les drames d'une nation, les larmes, la vie qui s'écoule dans un silence de plomb, cette eau lumineuse qui serpente comme une artère pleine de promesses et qui ne charrie que de l'incertitude. Une balle lumineuse vogue au hasard du courant, quelques éléments organiques associés à un vêtement traditionnel coréen suffisent à poser les jalons d'un récit dont la sombre douceur impose émotion et recueillement. C'est un fleuve d'or qui déchire la nuit. C'est l’absurdité du rêve et de ses fantômes.
Minouk Lim répond ainsi de façon grave au titre de cette quinzième Biennale de Lyon : « Là où les eaux se mêlent ». Ici l'espoir, la croyance à la douceur d'une rencontre, là la réalité d’une eau circulant dans les méandres d'un anneau discontinu d'entrelacs phosphorescents. L'eau captive de son circuit fermé. L'artiste se mesure ainsi à un face à face douloureux où s'affrontent solitude et rencontre. Les eaux sont ici la métaphore du vivant et qu'en surgit-il lorsqu'elles parlent aussi bien d'un flux qui nous emporte que d'un courant qui nous noie ? La beauté sans doute, l'or qui tapisse nos espoirs ou nos rêves, cette lumière arrachée à la nuit que Minouk Lim nous fait partager.

Usine Fagor, 15e Biennale de Lyon
Jusqu'au 5 janvier 2020



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire