lundi 21 octobre 2019

Katinka Bock, « Tumulte à Higienopolis »


Jusqu'au 5 janvier 2020
Lafayette anticipations, Paris



Elle a fait partie des nommés pour le prix Marcel Duchamp 2019 et ses travaux s'articulent avec un lieu spécifique dont elle sonde les propriétés à partir de sculptures, installations et performances. Katinka Bock met donc en relation deux architectures, celle de la Fondation d'entreprise Lafayette - un ancien bâtiment industriel du XIXe siècle rénové par Rem Koolhass - et celle du Anzeiger Hochhaus, siège du journal éponyme, achevé à Francfort en 1928 et qui fut l'un des plus hauts bâtiments d' Europe. C'est là qu'en 1947 sortira Der Spiegel qui ambitionna de redonner à l'Allemagne les conditions d'un débat démocratique.
Donc une architecture et une histoire spécifique servent de passerelle à Katinka Bock pour explorer les relations entre un espace, son rapport au temps et à sa fonction sociale. L’œuvre qui en résulte est une lecture matérielle de ces conditions à priori. La pièce centrale, une sculpture de 9 m de hauteur, se développe à partir des feuilles de cuivre du dôme de l'Anzeiger que l'artiste récupéra avec ses blessures causées par les bombardements ou par les vicissitudes de la météo ou du temps qui passe. Ces feuilles, par leur disposition, sont aussi la métaphore de celles qui sortirent des rotatives du journal. La sculpture est enserrée dans un vide vertical et se déploie en s'ouvrant dans l'espace comme une enveloppe qui détiendrait un récit que l'artiste nous laisse pourtant imaginer. C'est là toute la subtilité de son travail : Ne montrer que les traces et la matière de son exécution, sculpter un signifiant pour laisser en jachères le signifié qu'il nous appartient de construire.
Autour de cette sculpture, « Rauschen » (Ressac), s'organisent toute une série d'interventions comme autant de reflets d'une vie sociale passée, d'une activité économique d'où toujours surgissent les empreintes du vivant. Usant de tous les matériaux, de tous les points de l'espace - sol, plafond ou saillie d'un mur – jouant avec discrétion de l’illusionnisme et confrontant l'immensité d'une sculpture avec des brides de sens constitués par exemple d'un gisant et de feuilles de céramique évoquant celle d'un journal, l'artiste permet au temps de refaire surface. Avec ses vides, ses rides et ses pliures, le temps se donne ici comme un récit ouvert, un espace à vivre.



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