mardi 22 octobre 2019

« Nous les arbres », Fondation Cartier


Paris, jusqu'au 10 novembre
   Fabrice Hyber

Ils sont vivants, ils nous parlent, ils nous interpellent. Les arbres sont aussi l'ombre de nous-mêmes, enracinés dans la terre, la tête dressée contre le ciel. La nature, les artistes l'ont si souvent peinte mais voici que, dans l'espace de la Fondation Cartier, elle traverse le miroir de la représentation pour venir à nous, nous faire confidence de cette intimité qu'elle dévoile par son intelligence propre et ses capacités sensorielles. Philosophes, botanistes et artistes entament ici un dialogue fécond avec les arbres, leur murmure, le frémissement d'un feuillage ou le râle d'un tronc qu'on abat.
Au rez-de-chaussée, de vastes toiles de Fabrice Hyber donnent le ton : La voix de l'arbre se fait entendre. C'est lui qui répand son coloris, l'excroissance de ses formes dont l'artiste extrait la sève ou les radicelles de ses nerfs. Il imagine le rayonnement de son énergie, il en capte tous les indices et pourtant c'est aussi cet arbre qui nous soumet à sa propre représentation de nous-mêmes. L'arbre réalise ici une forme d' autoportrait et nous y percevons une image de ce que nous sommes. L'universalité du vivant, tel est le fil rouge de cette peinture qui inaugure l'esprit de toute cette exposition.
Qu'ils soient perçus d'un point de vue scientifique, écologique ou poétique, les arbres sont les héros d'une aventure de laquelle nous ne sommes jamais absents. Chênes ou roseaux, métaphores de nous-mêmes, ils nous renvoient à notre propre diversité, à la multiplicité de nos visages et de nos cultures. Mais en même temps, ils sont le signe de ce qui nous relie aux autres et à l'univers. La force muette des arbres résonne ici dans les œuvres réunies dans un même souci de faire éclore la voix du botaniste mêlée à celle de l'artiste. On y rencontrera des dizaines de créateurs de tous les continents. Dessins, vidéos, photographies ou peintures illustrent une même volonté d'entrer dans la peau de l'arbre, de le comprendre et de le protéger. Poétique et politique se confondent ici comme les vastes compositions de Johanna Calle ou les œuvres vidéo et sonores de Paz Encina.
Le jardin reste bien sûr le lieu privilégié pour cette rencontre avec l'arbre. Entre des souvenirs d'Agnès Varda et une superbe sculpture en bronze de Giuseppe Penone, le visiteur flâne dans ces lieux de rêverie et d'émerveillement quand les œuvres d'art se déploient dans l'intimité de la nature.

                                  Charles Gaines

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