Galerie
Depardieu, Nice
Jusqu'au
2 novembre 2019
Par
le titre d'une exposition, les mots hantent parfois une œuvre. Si
l’exposition précédente d' Alain Lestié s'intitulait
« Contretemps », celle-ci « Par moments »,
introduit de nouveau le temps à l'intérieur du dessin. Non pas un
temps linéaire mais une durée fragmentée qui se lit par strates
dans l'épaisseur du papier, le gras du crayon et son effacement.
Voici un récit dont les phrases défient toute chronologie mais se
donnent par séquences, appositions et oppositions de sens.
Alain
Lestié juxtapose ses feuilles. Il les organise selon des motifs
contradictoires dans un clair obscur où figuration et abstraction se
mêlent et se dissolvent. Une architecture improbable en surgit :
un univers
chargé des signes d'une force primitive, chaotique, avec des
questions, des mythes, des mots. Et tout cela se dissipe encore,
revient par vagues, crée des hiatus, se dit et se renie. Ne reste
que l'essentiel, c'est à dire l'indéfinissable, ce qui surgit dans
les marges quand de la masse crayonnée vont sourdre des éclairs de
représentation aussitôt éteints par d'autres qui se superposent à
eux – éléments géométriques, balbutiements d'objets ou de
symboles, d'appels, de mots griffonnés...
L’œuvre
parle du temps et de ses débris. Les choses s'y déposent comme des
rudiments de signes et la lumière qui surgit rature la chape sombre
du passé pour en extraire un écho, quelque chose d'essentiel, de
définitif et pourtant si lointain. Le dessin est ici un mystère. Un
sous-bois se mêle à un graffiti, un papier froissé est un trompe
l’œil et la rigueur géométrique contredit les bruissements de la
nature. Cet impossible c'est celui d'un temps suspendu et distendu.
Alain Lestié le rend visible mais le dessin reste cette déchirure
vers l'invisible.
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