dimanche 20 octobre 2019

Noël Dolla, Point à la ligne




Comment structurer un espace sans en découdre avec ses formes antérieures, sans en déterminer ses lignes de force, ses contraintes et sa finalité ? C'est à cette recherche que, depuis des décennies, se consacre Noël Dolla. Dans l'espace de la galerie parisienne Ceysson & Bénétiere comme dans le grand bassin du jardin des Tuileries, l'artiste explore les modalités de la peinture quand celle-ci n'est plus seulement déposée sur la toile mais qu'elle relève d'une construction mentale qui engage tout à la fois le corps, l'espace et le temps.
Dans la galerie, c'est une forme de ligne mélodique qui structure le lieu. Mais une ligne brisée par une série de points qui clôturent l'espace ou, au contraire, l'ouvrent tels des hublots pour de nouvelles perspectives. Le point d'impact, le cercle, la trouée, l'auréole sanglante scandent une matière pauvre. Et c'est aussi une « mise au point » sur la peinture elle-même. L'espace tour à tour s'élargit ou se réfracte quand, du sol au plafond, la peinture explose, quand des triangles translucides et perforés déroutent le regard ou la cible. Car ici, dans cette série « Snipers », la peinture est avant tout un combat. Elle n'est pas sans blessure, œil crevé, toutes ces meurtrissures sales que l'histoire dépose sur le monde. Noël Dolla y appose sa colère, déchire les tissus, panse les plaies avec des bandes de tarlatane. La peinture jaillit d'un fusil à air comprimé, elle souille de son sang le corps de la toile dans ces taches que l'artiste appelle les « fleurs du mal ».
Dans le grand bassin du jardin des Tuileries, Dolla se confronte, cette fois-ci sur un mode poétique, à l'histoire de la peinture. Le point est ici rendu par la circularité de quelques cinq cents parapluies immergés dans une eau trouble. La surface mouvante de cette eau est seulement déchirée par leurs embouts et s'anime de figures dans lesquelles nous retrouvons les nymphéas de Monet tels qu'ils apparaissent dans le Musée de l’Orangerie qui jouxte le bassin. Et dans ce « Nymphéas Post déluge II », ponctué d'auréoles rouges, Noêl Dolla nous offre la création la plus saisissante de la programmation hors les murs de la FIAC 2019.

Galerie Ceysson&Bénétière, Paris, jusqu'au 7 décembre 2019





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