Comment structurer un espace
sans en découdre avec ses formes antérieures, sans en déterminer
ses lignes de force, ses contraintes et sa finalité ? C'est à
cette recherche que, depuis des décennies, se consacre Noël Dolla.
Dans l'espace de la galerie parisienne Ceysson & Bénétiere comme
dans le grand bassin du jardin des Tuileries, l'artiste explore les
modalités de la peinture quand celle-ci n'est plus seulement déposée
sur la toile mais qu'elle relève d'une construction mentale qui
engage tout à la fois le corps, l'espace et le temps.
Dans
la galerie, c'est une forme de ligne mélodique qui structure le
lieu. Mais une ligne brisée par une série de points qui clôturent
l'espace ou, au contraire, l'ouvrent tels des hublots pour de
nouvelles perspectives. Le point d'impact, le cercle, la trouée,
l'auréole sanglante scandent une matière pauvre. Et c'est aussi une
« mise au point » sur la peinture elle-même. L'espace
tour à tour s'élargit ou se réfracte quand, du sol au plafond, la
peinture explose, quand des triangles translucides et perforés
déroutent le regard ou la cible. Car ici, dans cette série
« Snipers », la peinture est avant tout un combat. Elle
n'est pas sans blessure, œil crevé, toutes ces meurtrissures sales
que l'histoire dépose sur le monde. Noël Dolla y appose sa colère,
déchire les tissus, panse les plaies avec des bandes de tarlatane.
La peinture jaillit d'un fusil à air comprimé, elle souille de son
sang le corps de la toile dans ces taches que l'artiste appelle les
« fleurs du mal ».
Dans
le grand bassin du jardin des Tuileries, Dolla se confronte, cette
fois-ci sur un mode poétique, à l'histoire de la peinture. Le point
est ici rendu par la circularité de quelques cinq cents parapluies
immergés dans une eau trouble. La surface mouvante de cette eau est
seulement déchirée par leurs embouts et s'anime de figures dans
lesquelles nous retrouvons les nymphéas de Monet tels qu'ils
apparaissent dans le Musée de l’Orangerie qui jouxte le bassin.
Et dans ce « Nymphéas Post déluge II », ponctué
d'auréoles rouges, Noêl Dolla nous offre la création la plus
saisissante de la programmation hors les murs de la FIAC 2019.
Galerie
Ceysson&Bénétière, Paris, jusqu'au 7 décembre 2019