Giulia Cenci, « Mud »,
IAC Villeurbanne dans le cadre de la Biennale de Lyon
L’œuvre de Giulia Cenci
n'est pas sombre, elle est grise, implacablement, sans espoir d'un
clair obscur et de la déchirure d'une éclaircie. Nulle douleur en
elle mais seulement un monde réduit à une neutralité morte, où la
notion même de paysage ne s'envisage plus, quand rien aussi ne se
dévisage, ni regard, ni cœur, ni âme, ni pensée. Tandis, qu'avec
plus ou moins de bonheur, aux anciennes usines FABOR, on s'interroge
sur le paysage dans sa relation à l'économie, au travail et au
temps, ici dans ce lieu dévolu à la jeune création internationale,
rien de cela n'est désormais possible. Et c'est précisément ce
contrepoint qui donne au travail de l'artiste italienne toute sa
force.
Le chaos est un hors paysage, il
n'appartient plus à l'espace mais seulement au déséquilibre et,
lorsque, comme ici, il consent à la représentation, il ne se
définit plus que par une sorte de boue grisâtre qui sature aussi
bien le sol que l'air dans lequel elle se perd en tissant des formes
où surgissent des rappels de vie dans des fragments de cauchemars.
Un réseau informe, désossé, quand la matière n'est plus que
cendre, saisit le visiteur qui tâtonne dans ce hors temps à la
rencontre de ses propres fantômes.
Car les installations complexes
de Giulia Cenci, de premier abord, se donnent comme un tissage
d'éléments sculpturaux déconstruisant l'espace. Pourtant elles
n'évoquent peut-être même pas le monde d'après mais plutôt cet
univers nocturne dont chacun est chargé lorsque les cauchemars
parallèles à la vie font en nous circuler ces figures hybrides et
cette déconstruction de la mémoire. Les fils du vivant sont ici
desséchés et ne mènent nulle part. Ne s'y adhèrent que le
souvenir de matériaux industriels, de résidus organiques et toutes
les poussières du monde.
En quoi donc cet univers-là
est-il si fascinant, pourquoi nous trouble-t-il autant et en quoi ce
néant est-il notre miroir ? Sans doute parce que l'artiste n'a
pas fait le pari du vide ou de la représentation d'un désert en
gestation. Au contraire, elle suggère nos remords, nos angoisses
d'après. Nous nous reconnaissons dans ces débris animaux suggérées,
dans leurs mutations et leur ruine, leur présence obsessionnelle et
toutes les traces du vivant sculpté dans la cendre. Nous devinons
alors que nous en sommes peut-être déjà l'écho.
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