Chercher l’intrus.
D'emblée l’œuvre ne coïncide pas avec son
environnement, elle n'est qu'un incident qui déjoue l'espace
industriel des usines Fagor à Lyon. Dans l'immensité grise du béton
et de son architecture utilitaire, Mengzhi Zheng déconstruit le
lieu, il en écarte la masse pour enchâsser une structure aérienne
par le seul défi de l’intrusion. Voici donc une ode au nomadisme,
à la légèreté du volume, à la transparence, à la liberté. Ici
l'air circule, tout s'élève en courbe et en douceur. La couleur
coule, immatérielle. Elle glisse sur des arcades adossées au vide,
les ailes au repos, et déploie avec grâce la nudité de ses lignes.
C'est un peu comme si l'on avait délivré Le Corbusier de son
enveloppe de béton, comme si un ouragan l'avait déchiquetée.
Car
c'est bien d'architecture qu'il s'agit ici. Mais d'une architecture
désossée, évidée, livrée au seul jeu de ses sinuosités
rythmiques. Et aussi une construction délicate, précaire, encore à
l'état de maquette, qui prend et retient son souffle, adossée au
flanc de la lourde architecture de l'usine Fagor comme si l'artiste,
pour construire, s'acharnait à épurer, arracher à la matière
angles et arêtes pour exhiber la pureté du vide. L’œuvre se
donne dans son dénuement somptueux, pareille à une yourte dénudée,
s'offrant à la liberté de l'espace dans son simple appareil fait de
feuilles de plexiglas teintées de lumière, d'articulations
sinueuses, de cordelettes et de plastique. Elle se déplie et se
déploie dans la promesse d'un envol.
« Là où les vents se caressent »... Le
titre de l’œuvre répond par ironie à celui de la Biennale. A lui
seul il énonce la sensualité d'un espace quand le vide s'y
engouffre et qu'il n'en reste que les seuls fils du dessin. Car
Mengzi Zheng, à l'instar des grands paysagistes chinois, dessine
l'espace , avec des fibres de lumière et de brume. Il dessine le
vent en recherchant le ciel. Tout ici n'est que modestie, miracle des
matériaux pauvres pour célébrer l'immatérialité dont l'artiste
est l'humble serviteur.
Usines Fabor, Biennale de Lyon, « Là où les
eaux se mêlent »
Jusqu'au
5 janvier 2020