Daniel Dewar § Grégory
Gicquel, « Fantasmes Mammifères »
MAC Lyon jusqu'au 5
janvier 2020.
Le bois sans langue de bois.
Lauréats du prix Marcel Duchamp
en 1912, les deux artistes poursuivent l’exploration d'une matière
simple comme source de leur imaginaire. Cette fois-ci, au Musée
d'Art Contemporain dans le cadre de la Biennale de Lyon pour une
exposition « Fantasmes Mammifères ». Le bois, et avec
lui sa valeur d'usage, sa fonction décorative ou utilitaire, se
confronte à un univers post-pop dans lequel l’artisanat tient lieu
de boussole pour une production radicalement déboussolée. Pourtant,
si dans cette Biennale les œuvres présentées tiennent parfois plus
du dérisoire que de la dérision, celles de Dewar § Gicquel
s'attachent à pousser genres et matériaux jusqu'à leur
retranchement pour les doter d'un sens qui contrarie le contexte
duquel ils procédaient.
Poussées à l'extrême de
l'humour, du fantasme et de la banalité, leurs créations parlent de
l'obsession, de l'utilitaire, du sexe et du morbide dans le
quotidien. Ameublements, bas-reliefs ou sculptures taillées dans un
bois brut désignent les traces de la contamination d'une matière
rongée par les vers de nos rires et de nos angoisses. Ils reflètent
nos archaïsmes et rappellent notre animalité sur un mode burlesque,
dans une débauche de corps démembrés, d'intestins et d'un
bestiaire où la fantaisie pastorale se trouve détournée dans un
« jardin des délices » contemporain quand rêves et
cauchemars s'imbriquent pour transgresser le réel ou lui faire
rendre gorge.
Tout
ceci est précis, d'une cruauté sourde, et témoigne d'un
savoir-faire impressionnant. D'une pièce à l'autre se déclinent
une obscénité jubilatoire et cette aisance à se renouveler sans
cesse avec ce détachement hautain qui reste la marque des grands
artistes. D'aucuns, dans l'air du temps, souhaiteraient y voir un
manifeste anti-spéciste et les commissaires de la Biennale ont
largement cédé à cet effet de mode. La parité la plus stricte est
de mise, les notions de genre, l’anthropocène et le post-
humanisme sont de rigueur. Pourtant les œuvres de Dewar § Gicquel
parlent le monde hors du temps présent comme le fit Jérôme Bosch.
Elles parlent d'aujourd'hui en se confrontant au passé ; elles
transcendent et sondent l'obscurité de l'avenir.
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