Pannaphan Yodmanee,
Ancienne usine FAGOR, Biennale de Lyon jusqu'au 5 janvier 2020
Dans une Biennale volontiers
pessimiste quant à l'avenir de la planète et de l'humanité,
l’œuvre poétique de Pannaphan Yodmanee, imprégnée tout à la
fois d'inquiétude et d'une échappée possible par le biais de la
spiritualité, ouvre une éclaircie dans le gris des anciennes Usines
FAGOR où se déroule l'essentiel de la Biennale de Lyon. S'inspirant
des traditions de son pays natal, la Thaïlande, et un moine
bouddhiste l'ayant initié à la peinture dès son enfance, son œuvre
établit un pont mais aussi diffuse une interrogation entre cette
Asie et l'espace occidental où elle propose un travail in situ dans
cette ancienne friche industrielle des temps modernes. Car le temps
demeure l'ossature d'une artiste imprégnée par le passé et les
cycles karmiques – naissance, mort et renaissance.
Des
installations imposantes opposent de même le macrocosme au
microcosme quand, dans de profonds tuyaux de ciment, l'on circule
comme dans un tunnel pour un voyage initiatique à moins qu'il
s'agisse de s'y réfugier. Pourtant à l'immensité, elle oppose la
richesse du microcosme et de l'intériorité. Dans ce paysage
souffrant de ruines, des figures surgissent comme un rappel de l'art
pariétal. Mais elles sont d'une délicatesse extrême, parfois à
peine visibles, aux limites de l'effacement, parées de couleurs
vives et de pigments d'or. Les peintures minérales se fondent dans
la masse bétonnée. Ici un arbre s'échappe dans une trouée vers le
ciel, là un nuage de ciment plane au dessus tel une menace ou,
encore, une possible élévation.
L'art de Pannaphan Yodmanee est
complexe, tout en opposition. Il implique la masse pesante du béton,
la grâce et la légèreté des figures qu'elle y trace, la sombre
intériorité où elles étincellent de couleurs. Ces conduits sont
aussi des grottes, des lieux souterrains, les rappels d'un ventre et
de ses mystères. Y pénétrer reste une forme d'expérience
initiatique quand on y côtoie la destruction et la souffrance mais
que l'on voit que sur terre ou vers le ciel, des échappées
subsistent. L'art serait ici ce lien entre nous-même et ce monde
inquiet qu'il désigne. Il serait une forme de salut.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire