Musée de Vence, du 23 juin au 28 octobre 2018
Aura-t-on jamais élucidé les mystères d'une œuvre qui défia son
époque tant elle ne cessa de se déporter vers d'autres territoires
dès lors qu'elle frisait la perfection et que ce qu'elle proclamait
devait inéluctablement se développer dans cet ailleurs que Picasso, sans relâche,
arpenta ? Le maître espagnol ne s'interdisait rien : le
monde des apparences lui appartenait et nul autre que lui ne
parvenait ainsi à en lui arracher la peau, à l'éviscérer pour en
restituer les formes et les couleurs. Celles d'un monde qui crie sa vérité
en même temps qu'il résonne encore en nous quand nous sommes confrontés à
lui.
Ce
sont ces résonances-là que d'autres artistes désormais amplifient en les laissant percevoir dans leurs
propres œuvres. Il ne s'agit pourtant pas pour eux de citer ou de
copier Picasso mais plutôt de se mesurer à cette volonté
d'absorber le monde par le recours à tous les matériaux, à tous
les procédés, en se jouant de tous les styles et savoir faire. Car Picasso était aussi un artisan, un bricoleur, il savait que chaque chose porte sa part de dignité.
Voici donc 13 artistes, toutes générations confondues, qui réfléchissent
une facette de l’œuvre protéiforme de Picasso. Le tempérament de
chacun nous permet d'adapter notre regard vers telle ou telle
orientation du peintre. Ses œuvres semblent alors
revivre, autrement, grâce à l'inventivité de chaque artiste. Vincent
Corpet s'autorise une autopsie neutre de la peinture en
s'attribuant des citations d'images qu'il nous propose d'interpréter
avec la distance critique propre à chacun. Gérard Serée
saisit la matière de Picasso dans toute son intensité, du feu de la
violence colorée jusqu'à la cendre. Peinture et sculpture ici se
répondent. Louis Cane se saisit de l'espace sur un mode
ludique avec l'impertinence de celui qui peut tout faire. Fabrice Hyber
s'affronte à ce corps post-organique dont l’œuvre est la mémoire.
Corps impur, totalisant, mouvant, en prise avec les éléments mais
toujours hanté par la figure de ses réminiscences.
Picasso nous permet ainsi une meilleure compréhension
de l' héritage légué à certains artistes contemporains qui, loin de
copier le maître, désiraient en libérer la parole pour peut-être
mieux s'en affranchir. Le choix est toujours d'une parfaite intelligence et
alors que le regard se promène d'une pièce à l'autre, quelque
chose de mystérieux se produit comme si le souffle prodigieux de
Picasso réanimait ici les braises d'un feu qui se serait emparé de
tous les artistes participant à cet « éloge de la fabrique ».
Artistes
présentés : Antoni Clavé, Louis Cane, Anne Deguelle, Pierre
Tilman, Max Charvolen, Gérard Serée, Joël Desbouiges, Gérald
Thupinier, Paul Billen, Miguel Barcelo, Thierry Cauwet, Vincent
Corpet, Fabrice Hyber et Pablo Picasso