Un
titre : « in vacuo plenus », c'est à dire le plein
dans le vide et c'est bien ce paradoxe poussé à l'extrême de
l'absurdité qui définit le mieux l'art retors et subtil de Laurent
Prexl. Il fallait ce vocable précieux, un tantinet désuet mais ô
combien sérieux quand il fleure si bien l' intellect pour que
l'artiste s'en emparât dans sa volonté d'inscrire la performance
dans la critique de l'expression artistique et, autre paradoxe, dans
l'élaboration d'une forme.
Car si la filiation à Dada et à
Fluxus apparaît évidente par le recours à la dérision pour
s'extraire des conventions de l'art, Laurent Prexl, avec rigueur,
porte son attention sur son économie, c'est à dire dans la relation
de l’œuvre ou de son concept avec les principaux acteurs qu'elle
met en scène. Ainsi la performance n'est elle qu'un fragment de
vécu, l'instant déclencheur sur lequel se matérialisent des
installations, des photos ou tout autre medium apte à rendre compte
de ces protocoles conscients ou non, austères, pontifiants ou même
ridicules qui unissent l'artiste, le spectateur ou le collectionneur.
Alors que la performance souvent n'est plus, au mieux, que la
répétition d'une désacralisation de l'art et, au pire, comme on a
pu récemment le voir ici ou là, un amollissement narcissique,
geignard, engoncé dans un regain de religiosité dans une morale
contemporaine, voici qu'enfin elle se pare ici d'une réflexion
sans concession sur elle-même, sur son histoire et ses codes.
Surtout retiendra-t-on le rapport central quelle instaure avec autrui
et comment celui-ci se matérialise dans les œuvres. L'une d'elle,
« Ecce homo » déplace le signifiant extrême d'une
performance, l'homme, dans son rapport à la peinture par la
connotation de son titre, puis dans les composants chimiques qui
composent le corps humain. Laurent Prexl ne cesse de creuser ce grand
écart entre les figures, les mots et les concepts, là où se joue
la gestation des formes nouvelles.
Car au-delà de l’intelligence
facétieuse et de l'humour corrosif, c'est bien l’œuvre dans
son autonomie impossible, dans son caractère transactionnel et
ses multiples références, qui se charge de volumes ou d'effets de
trompe l’œil. Une œuvre construite sur une série de
détournements de sens, d'apories et de hiatus pour faire émerger
une autre conscience de l'art et des propositions nouvelles pour
traduire sa visibilité ou son hypothèse. Qu'en est-il alors de son
apparition ou de sa disparition ? C'est dans cette question ou
cette parenthèse que tout s'écrit.
La Strada N°295
La Strada N°295
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