lundi 4 juin 2018

Laurent Prexl, "in vacuo plenus"


Un titre : « in vacuo plenus », c'est à dire le plein dans le vide et c'est bien ce paradoxe poussé à l'extrême de l'absurdité qui définit le mieux l'art retors et subtil de Laurent Prexl. Il fallait ce vocable précieux, un tantinet désuet mais ô combien sérieux quand il fleure si bien l' intellect pour que l'artiste s'en emparât dans sa volonté d'inscrire la performance dans la critique de l'expression artistique et, autre paradoxe, dans l'élaboration d'une forme.
Car si la filiation à Dada et à Fluxus apparaît évidente par le recours à la dérision pour s'extraire des conventions de l'art, Laurent Prexl, avec rigueur, porte son attention sur son économie, c'est à dire dans la relation de l’œuvre ou de son concept avec les principaux acteurs qu'elle met en scène. Ainsi la performance n'est elle qu'un fragment de vécu, l'instant déclencheur sur lequel se matérialisent des installations, des photos ou tout autre medium apte à rendre compte de ces protocoles conscients ou non, austères, pontifiants ou même ridicules qui unissent l'artiste, le spectateur ou le collectionneur. Alors que la performance souvent n'est plus, au mieux, que la répétition d'une désacralisation de l'art et, au pire, comme on a pu récemment le voir ici ou là, un amollissement narcissique, geignard, engoncé dans un regain de religiosité dans une morale contemporaine, voici qu'enfin elle se pare ici d'une réflexion sans concession sur elle-même, sur son histoire et ses codes.
 Surtout retiendra-t-on le rapport central quelle instaure avec autrui et comment celui-ci se matérialise dans les œuvres. L'une d'elle, « Ecce homo » déplace le signifiant extrême d'une performance, l'homme, dans son rapport à la peinture par la connotation de son titre, puis dans les composants chimiques qui composent le corps humain. Laurent Prexl ne cesse de creuser ce grand écart entre les figures, les mots et les concepts, là où se joue la gestation des formes nouvelles.
 Car au-delà de l’intelligence facétieuse et de l'humour corrosif, c'est bien l’œuvre dans son autonomie impossible, dans son caractère transactionnel et ses multiples références, qui se charge de volumes ou d'effets de trompe l’œil. Une œuvre construite sur une série de détournements de sens, d'apories et de hiatus pour faire émerger une autre conscience de l'art et des propositions nouvelles pour traduire sa visibilité ou son hypothèse. Qu'en est-il alors de son apparition ou de sa disparition ? C'est dans cette question ou cette parenthèse que tout s'écrit.

La Strada N°295

Espace à vendre, du 18 mai au 16 juin 2018




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