mardi 5 juin 2018

Franco Fontana, "Horizons"

                                                Los Angeles, 1990, Courtesy galerie baudoin lebon paris

                              
                           On ne décalque pas le réel. De même qu'on échouera toujours à le traduire en formes, en traits ou en couleurs parce qu'il eût alors fallu qu'il s'organisât en syntaxe et en signes à l'instar d'un corpus langagier. Mais le réel n'est toujours qu'un flux que le présent coagule et que l'artiste, au mieux, ne saura qu'interpréter par le biais du pinceau, du trait ou de l'appareil photographique. En effet le photographe est celui qui excelle à figer cet instant de réalité. Mais souvent il se confronte à l'illusion du réalisme, au souci de l'expression dans un contexte psychologique et social
                           Franco Fontana ne s'inscrit pas dans cette démarche ; il ne dédaigne pas l'esthétisme. Au contraire, il recourt à un graphisme épuré, à des contrastes violents, à des couleurs qui récusent toute idée de nature. Autant dire que ses images ne prétendent pas s'emparer de la réalité mais qu'elles visent plutôt à définir les limites qui seraient celles de la photographie. Ainsi travaille-t-il aux confins de l'abstraction ; l’œuvre se pare d'une géométrie austère qui ne se réduit pourtant jamais au formalisme.
                    Comme Mondrian, en s'écartant des formes et des couleurs naturelles, il cherche l'essence des choses en réduisant les paysages à des segments de droites, des angles, des courbes et des découpes d'ombre et de lumière. Le peintre, lui, revendiquait une forme de spiritualité et Serge Lemoine pouvait écrire : « Le rapport de la verticale à l'horizontale est à l'image de la dualité et des oppositions qui régissent d'une façon générale la vie et l'univers , le masculin et le féminin, l'extérieur, le matériel et le spirituel. »
                        Franco Fontana traque les indices de cette beauté-là. Elle ne se constitue pas d'artifices mais se modèle plutôt sur une ascèse contemplative qui ne répugne pas à une puissante mise en scène et au choc visuel qui en découle. Cette méditation est celle d'une pensée sur le monde que Franco Fontana photographie avec bonheur.

Musée de la photographie, Nice, du 1 juin au 30 septembre 2018

La Strada, N°296



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