mardi 26 juin 2018

"Cosmogonies, au gré des éléments" Exposition d'été du MAMAC, Nice

                                     Barbara et Michael Leisgen, La création des nuages, 1974

Yves Klein aurait eu cette année 90 ans et, pour célébrer cet anniversaire, le MAMAC s'est inspiré de ses « cosmogonies » pour la grande exposition de l'été. Les cosmogonies sont relatives à la formation de l'univers et l'artiste eut l'intelligence d'articuler celle-ci à la création d'une œuvre artistique. Une histoire démiurgique liée à la germination, à la disparition, au temps, et à l'éphémère qui se tissent entre matière et immatériel.
C'est tout ce processus qui se décline ici dans une centaine de productions d'artistes qui, dans leur diversité, explorent les aspects les plus sensibles de la nature souvent aux lisières du visible. En effet, si l'exposition s'organise en plusieurs chapitres, tous témoignent d'une expérimentation dans ce rapport que l'homme, physiquement et spirituellement, entretient avec la nature. Mais ici l'artiste n'en est pas le maître ; non seulement, il renonce à toute velléité de domination mais il l'accompagne dans son mouvement intrinsèque, il décrit l'action qu'elle produit sur lui et les transformations qu'elle suscite dans la définition même d'une œuvre d'art.
C'est ainsi que les installations, les performances, les œuvres sur toiles ou sur tout autre support sont imprégnées de ce trouble entre la nature et l'homme qui jamais ne lui est extérieur mais dont il constitue un élément essentiel. Dans le sillage d’Yves Klein c'est toute cette aventure qui nous est racontée aux confins et « au gré des éléments », de l'air, du feu, de l'eau et de la terre.
On y retrouvera le grand artiste de l'Arte Povera, Giuseppe Penone, mais aussi une superbe video de Marina Abramovic. Mais la nature est affaire de caprices et Bernard Monimot, par exemple, enregistre dans le noir de fumée toute une série de variations sur « la mémoire du vent ». Car cette exposition se déploie sous le règne de la poésie. Yoko Ono tisse les nuages aux mots, Quentin Derouet peint avec des roses. Ces œuvres oscillent entre légèreté et austérité de même qu'elles génèrent une réflexion sur l'histoire et la science. On y croise aussi bien la botanique que la météorologie. L'immersion dans la nature, dans ses réminiscences, côtoie la volonté de classification des naturalistes du 18ème siècle. Si la nature implique le paysage, l'exposition met davantage l'accent sur les éléments et les forces qui déterminent ce qu'elle produit et comment nous la percevons. Car la nature n'est que du vivant ou sa mémoire et sa trace. Le végétal et le minéral agissent sur nous mais l'homme peut, de son côté, exercer aussi son pouvoir de nuisance.
Les notions d'entropie et d'anthropocène jalonnent ce parcours qui nous alerte aussi sur le risque écologique. Tout se joue sur ces liens qui se nouent entre les éléments, leurs effets rationnels ou hasardeux que les artistes réinterprètent dans leur propre vocabulaire. Charlotte Charbonnel crée des nuages dans des bocaux de verre tandis que Barbara et Michael Leigen les célèbrent par le biais de la photographie. C'est ce support qu'utilise Judy Chicago pour une superbe méditation philosophique ou chamanique autour du feu. La fumée d'un volcan agit sur les œuvres de Noël Dolla comme les rayons du soleil brûlent celles de Charles Ross. Et au terme d'une immersion dans la terre, un immense tissu d'Edith Dekyndt exhibe sa trame décomposée et ses variations colorées dans toutes les étapes de sa décomposition. Une œuvre superbe qui fait écho à toutes celles qui traitent aussi de la disparition. Le visiteur circulera ainsi entre de simples brins d'herbe, des filaments de toiles d'araignées et les envoûtantes photographies d'Otobong Nkanda.
Mais il se déplacera aussi dans la galerie contemporaine du Musée, à partir du 7 juillet, pour voir l'exposition de l'artiste argentine, Irene Kopelman. Celle-ci s'intéresse aux biotopes, aux relevés d'échantillons, à la méthodologie des recherches qu'elle traduit sous forme de dessins. La série «  Project Vertical Landscape, Llanas » a été réalisée dans la forêt tropicale du Panama et l'on pourra voir également deux grandes peintures issues de la série « Banian trees ». Pour l’été, le MAMAC sera donc l'occasion d'un superbe voyage qui nous emmènera avec intelligence et sensibilité de la matière la plus brute jusqu'aux limites du visible.

Commissariat : Hélène Guenin, directrice du MAMAC, assistée de Rébecca François, attachée de conservation

Artistes : Marina  Abramovic, Dove Allouche, Giovanni Anselmo, Davide Balula, Hicham Berrada, Michel Blazy, Marinus Boezem, Famille Boyle, John Cage, Charlotte Charbonnel, Judy Chicago, Emma Dajska, Edith Dekyndt, Agnes Denes, Quentin Derouet, Noël Dolla, Piero Gilardi, Andy Goldsworthy, Hans Haacke , Ilana Halperin, Peter Hutchinson, Yves Klein, Irene Kopelman, Tetsumi Kudo, Maria Laet , Barbara et Michael Leisgen, Anthony Mc Call , Susana Mejia, Ana Mendieta, Bernard Moninot, Teresa Murak, Maurizio Nannucci,  Otobong Nkanga, Yoko Ono, Denis Oppenheim, Gina Pane, Giuseppe Penone, Evariste Richer,  Charles  Ross, Vivien Roubaud, Rúrí, Tomas Saraceno, Charles Simonds, Michelle Stuart,  Thu-Van Tran, Nicolas Uriburu, Capucine Vandebrouck, Maarten Vanden Eynde.

Du 9 juin au 16 septembre 2018

La Strada, N°296




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