Yves
Klein aurait eu cette année 90 ans et, pour célébrer cet
anniversaire, le MAMAC s'est inspiré de ses « cosmogonies »
pour la grande exposition de l'été. Les cosmogonies sont relatives
à la formation de l'univers et l'artiste eut l'intelligence
d'articuler celle-ci à la création d'une œuvre artistique. Une
histoire démiurgique liée à la germination, à la disparition, au
temps, et à l'éphémère qui se tissent entre matière et
immatériel.
C'est
tout ce processus qui se décline ici dans une centaine de
productions d'artistes qui, dans leur diversité, explorent les
aspects les plus sensibles de la nature souvent aux lisières du
visible. En effet, si l'exposition s'organise en plusieurs chapitres,
tous témoignent d'une expérimentation dans ce rapport que l'homme,
physiquement et spirituellement, entretient avec la nature. Mais ici
l'artiste n'en est pas le maître ; non seulement, il renonce à
toute velléité de domination mais il l'accompagne dans son
mouvement intrinsèque, il décrit l'action qu'elle produit sur lui
et les transformations qu'elle suscite dans la définition même
d'une œuvre d'art.
C'est ainsi que les installations, les performances, les œuvres sur
toiles ou sur tout autre support sont imprégnées de ce trouble
entre la nature et l'homme qui jamais ne lui est extérieur mais dont
il constitue un élément essentiel. Dans le sillage d’Yves Klein
c'est toute cette aventure qui nous est racontée aux confins et « au
gré des éléments », de l'air, du feu, de l'eau et de la
terre.
On y
retrouvera le grand artiste de l'Arte Povera, Giuseppe Penone, mais
aussi une superbe video de Marina Abramovic. Mais la nature est
affaire de caprices et Bernard Monimot, par exemple, enregistre dans
le noir de fumée toute une série de variations sur « la
mémoire du vent ». Car cette exposition se déploie sous le
règne de la poésie. Yoko Ono tisse les nuages aux mots, Quentin
Derouet peint avec des roses. Ces œuvres oscillent entre légèreté
et austérité de même qu'elles génèrent une réflexion sur l'histoire
et la science. On y croise aussi bien la botanique que la
météorologie. L'immersion dans la nature, dans ses réminiscences,
côtoie la volonté de classification des naturalistes du 18ème
siècle. Si la nature implique le paysage, l'exposition met davantage
l'accent sur les éléments et les forces qui déterminent ce
qu'elle produit et comment nous la percevons. Car la nature n'est que
du vivant ou sa mémoire et sa trace. Le végétal et le minéral
agissent sur nous mais l'homme peut, de son côté, exercer aussi son
pouvoir de nuisance.
Les
notions d'entropie et d'anthropocène jalonnent ce parcours qui nous
alerte aussi sur le risque écologique. Tout se joue sur ces liens
qui se nouent entre les éléments, leurs effets rationnels ou
hasardeux que les artistes réinterprètent dans leur propre
vocabulaire. Charlotte Charbonnel crée des nuages dans des bocaux de
verre tandis que Barbara et Michael Leigen les célèbrent par le
biais de la photographie. C'est ce support qu'utilise Judy Chicago
pour une superbe méditation philosophique ou chamanique autour du
feu. La fumée d'un volcan agit sur les œuvres de Noël Dolla comme
les rayons du soleil brûlent celles de Charles Ross. Et au terme
d'une immersion dans la terre, un immense tissu d'Edith Dekyndt
exhibe sa trame décomposée et ses variations colorées dans toutes
les étapes de sa décomposition. Une œuvre superbe qui fait écho à
toutes celles qui traitent aussi de la disparition. Le visiteur
circulera ainsi entre de simples brins d'herbe, des filaments de
toiles d'araignées et les envoûtantes photographies d'Otobong
Nkanda.
Mais il se déplacera aussi dans la galerie contemporaine du Musée,
à partir du 7 juillet, pour voir l'exposition de l'artiste
argentine, Irene Kopelman. Celle-ci s'intéresse aux biotopes,
aux relevés d'échantillons, à la méthodologie des recherches
qu'elle traduit sous forme de dessins. La série « Project
Vertical Landscape, Llanas » a été réalisée dans la forêt
tropicale du Panama et l'on pourra voir également deux grandes
peintures issues de la série « Banian trees ». Pour
l’été, le MAMAC sera donc l'occasion d'un superbe voyage qui nous
emmènera avec intelligence et sensibilité de la matière la plus
brute jusqu'aux limites du visible.
Commissariat : Hélène Guenin, directrice du MAMAC, assistée de Rébecca François, attachée de conservation
Artistes : Marina Abramovic, Dove Allouche, Giovanni Anselmo, Davide Balula, Hicham Berrada, Michel Blazy, Marinus Boezem, Famille Boyle, John Cage, Charlotte Charbonnel, Judy Chicago, Emma Dajska, Edith Dekyndt, Agnes Denes, Quentin Derouet, Noël Dolla, Piero Gilardi, Andy Goldsworthy, Hans Haacke , Ilana Halperin, Peter Hutchinson, Yves Klein, Irene Kopelman, Tetsumi Kudo, Maria Laet , Barbara et Michael Leisgen, Anthony Mc Call , Susana Mejia, Ana Mendieta, Bernard Moninot, Teresa Murak, Maurizio Nannucci, Otobong Nkanga, Yoko Ono, Denis Oppenheim, Gina Pane, Giuseppe Penone, Evariste Richer, Charles Ross, Vivien Roubaud, Rúrí, Tomas Saraceno, Charles Simonds, Michelle Stuart, Thu-Van Tran, Nicolas Uriburu, Capucine Vandebrouck, Maarten Vanden Eynde.
Du 9 juin au 16 septembre 2018
La Strada, N°296
La Strada, N°296
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