L’art excède autant la raison qu’il exalte les sens. Vue, odorat et goût se conjuguent alors dans un florilège de saveurs, d’arômes et de nuances colorées à l’intérieur d’un vin quand celui-ci s’apparente à une œuvre d’art. Et sur les flancs du Domaine du Dragon, non loin de Draguignan, la vigne se mêle à un paysage ancestral tissé de garrigues, d’oliviers centenaires et de forêts entre roches et bastide, là où se cultive l’élixir du vignoble. Ce sont 66 hectares de nature et 25 hectares de vignes en agriculture biologique auxquelles les vibrantes peintures de Chouette Nia apportent un supplément d’âme et de beauté.
Tout semble ici surgir d’une légende quand on sait que ce dragon est l’emblème de Draguignan et que l’on veut que sa bouche se loge en cet endroit, au faîte de ces collines escarpées. Et que de là, il cracherait toutes ces eaux de pluie qui dévaleraient jusqu’à la ville au risque de la détruire. Car le monstre est hybride, parfois de feu ou bien issu de la terre ou de l’eau. Ici les éléments primitifs ravivent la flamme des sens dans la magie des vignobles et du vin.
L’ouïe appartient à cet univers sensible qu’on se surprend à découvrir en ce lieu. Elle en façonne l’essence même quand la musique s’intègre à la fabrication du vin et résonne au cœur des peintures qui ornent la cave. Depuis l’acquisition de ce domaine, il y a 9 ans, son propriétaire, Mir Nezam, développe des Côtes de Provence en privilégiant un vin rouge qui, pour la première fois cette année, prend naissance après avoir été élevé pendant deux années en barriques, bercé sous les sonorités constantes d’un concerto de violoncelles de Bach. Vendanges nocturnes et étincelles solaires se fondent de concert avec un raisin qui se liquéfie parmi les vibrations de la musique qui agissent sourdement sur les molécules du vin en train de s’épanouir.
Les toiles de Chouette Nia semblent capter ces sonorités et les interprètent sous forme d’empreintes de brume ou de stries colorées pour des compositions abstraites au plus près de la nature. Tout palpite entre épaisseur et transparence comme un rappel de ce vin, de cette «Perle noire» toute en musique qui, pour la première fois, éclot sur ce terroir. Symphonie de couleurs et enchevêtrement délicat de courbes et de traits entre terre et ciel, toute la puissance d’un lieu, dans son humble sérénité, s’imprime entre art et vin, parmi les ondulations parfumées de la Provence.